Homo Sapiens 2.0 ou l’humain génétiquement augmenté, 1 débat public primordial

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Après 4 milliards d’années d’évolution biologique, notre espèce est sur le point d’évoluer à nouveau.

La convergence des progrès technologiques dans les domaines de la génétique, des technologies de l’information, de l’intelligence artificielle, de l’analyse des données et d’autres domaines va engendrer l’essor d’outils qui permettront de modifier génétiquement nos enfants si nous choisissons de le faire. Et nous finirons probablement par le faire pour de très bonnes raisons.

Qui ne voudrait pas éliminer les cancers et autres maladies mortellesNous aspirons, pour la plupart, à vivre plus longtemps en bonne santé. C’est ce que permettront justement les technologies génétiques. Mais ces outils ouvriront aussi la porte à la sélection et finalement à la manipulation des caractères génétiques non liés à la maladie.

La révolution génétique va soulever des questions fondamentales sur ce que signifie être humain. A ce titre elle pourrait déclencher des divisions profondes, à l’intérieur et entre les groupes, voir même mener à un conflit international sous la forme d’une nouvelle guerre froide entre Chine et Etats-Unis par exemple. Nous disposons déjà de tous les outils nécessaires pour modifier la composition génétique de notre espèce. La seule variable est désormais le timing.

La convergence des technologies NBIC impulse un mouvement d’accélération des progrès scientifiques. Ces questions peuvent vous paraître lointaines, mais elles vont se poser beaucoup plus vite que ce que ne pense la plupart des gens. Et nous ne nous y préparons pas.

Si le présent est la bêta version du futur, alors les contours de cette rupture sont discernables. En Angleterre, le Parlement britannique a voté en février 2015 l’autorisation d’essais cliniques visant à transférer des mitochondries pour éliminer le passage de la maladie mitochondriale d’une mère à son enfant.

Le diagnostic génétique de pré-implantation (DGP)

La sélection génétique avant implantation n’est pratiquée que dans des circonstances spécifiques. Elle est principalement utilisée pour dépister les maladies induites par les mutations d’un seul gène telles que l’anémie de Huntington ou la drépanocytose, et, dans des circonstances plus rares, pour la sélection des genres. La conjonction de l’expansion de nos connaissances et des projets de recherche de plus en plus nombreux va nous faire entrer dans une nouvelle étape. Ce processus sera finalement utilisé pour dépister des maladies plus complexes telles que les formes de fibrose kystique et le diabète de type 1 qui sont influencés par plusieurs gènes.

Une fois que nous aurons compris comment détecter les maladies ou les probabilités de maladie induites par notre génome, alors les parents utilisant la Fécondation In Vitro (FIV) et  le diagnostic génétique de pré-implantation (DGP) auront la possibilité de choisir d’implanter des embryons moins susceptibles d’être touchés par ces maladies.

Mais à mesure que la FIV et le DGP seront de plus en plus utilisés par les gens pour concevoir les enfants tout en évitant la maladie, beaucoup voudront savoir ce que les génomes déjà séquencés de leurs embryons non implantés disent sur d’autres traits.

Lorsque le projet du génome humain a été achevé en 2003, le programme avait coûté un milliard de dollars et pris 13 ans. Aujourd’hui, le séquençage d’un génome prend une journée et coûte environ 1 000 $. À la fin de la décennie, il devrait coûter environ 50 $ et ne nécessiter que quelques heures.

Le génome de la plupart d’entre nous sera donc séquencé pour constituer la fondation nécessaire à l’émergence de la médecine de précision et aux soins personnalisé ;  un processus accéléré par l’initiative Precision Medecine du président Obama.

Alors que la quantité massive de données génomiques brutes est compilée et comparée aux expériences de vie des gens, alors que de nouveaux outils sont utilisés pour activer/désactiver les gènes d’animaux, les scientifiques feront encore plus de progrès dans la compréhension des traits polygéniques complexes et de l’écosystème plus large du génome.

La génétique de l’intelligence, par exemple, est influencée par des milliers de gènes.

Selon le professeur du Michigan State, Stephen Hsu, nous serions en mesure de prédire précisément les QI des personnes à partir de leurs génomes d’ici 10 ans.

L’augmentation du nombre d’œufs sélectionnables

La seconde phase de la révolution génétique va s’appuyer sur l’augmentation du nombre d’œufs disponible dans le cas des FIV.

Si l’éjaculation masculine moyenne contient des centaines de millions de spermatozoïdes, le nombre d’œufs que peuvent produire les femmes est limité. Des chercheurs ont déjà développé des technologies pour rendre illimité le nombre de cellules souches de souris dans les ovules, puis le nombre d’œufs réels.

L’édition génétique

Dans la troisième phase de la révolution génétique, de nombreux parents envisageront la possibilité non seulement d’effectuer une sélection génétique, mais aussi des modifications génétiques sur leurs enfants. L’utilisation des technologies d’édition de gènes de précision est encore loin d’être massivement adoptée pour modifier les gènes des embryons de nos enfants à un stade précoce. Pourtant cette possibilité a déjà fortement concentré l’attention de la communauté scientifique et des médias populaires.

Les outils d’édition de gènes existent depuis des années, mais le développement récent de l’outil CRISPR-Cas9 (et moins connu cpf1) permet maintenant aux scientifiques de modifier les génomes de toutes les espèces avec plus de précision, de vitesse, de flexibilité et à un coût abordable. Des premières expériences ont eu récemment lieu en Chine et au Royaume-Uni sur des embryons humains non viables pour explorer des moyens potentiels de prévenir certains troubles sanguins, les fausses couches et le HIV.

Bien sûr, l’expérience acquise au cours de la vie aura encore de la valeur à l’ère du génétique. Être aimé et soigné, manger des aliments sains et avoir accès à de bonnes écoles et aux soins de santé sera toujours essentiel pour aider les enfants à réaliser leur potentiel. Il n’y a actuellement aucun moyen de déterminer l’équilibre entre la nature et la culture dans le développement humain. Les deux restent importants. Mais les études sur les jumeaux suggèrent que l’héritage génétique détermine entre 50% et 80% de ce que nous devenons.

Aussi ne nous y trompons pas. Le génie est déjà sorti de la bouteille. L’ère génétique a commencé.

Pour une espèce idéologiquement uniforme, cette transformation serait déjà difficile. Dans un monde où les différences d’opinion et de croyance sont si vastes et les niveaux de développement si disparates, elle est potentiellement cataclysmique.

Pour commencer, tout le monde ne sera pas à l’aise avec l’amélioration génétique du fait de ses croyances idéologiques ou religieuses ou des préoccupations liées à la sécurité. La vie ne se limite pas à la science et au code.

Pour beaucoup de personnes, nous ne serons jamais capables de comprendre ce qui nous rend humain, peu importe nos connaissances en génétique ou en chimie du corps. Et peu importe ce que nous pensons savoir, l’Histoire est jonchée de cadavres issus des certitudes scientifiques passées s’étant avérées au mieux fausses plus tard, voir mortelles.

Quelles que soient les intentions des diplomates et des scientifiques, la science connaît une croissance exponentielle tandis que la compréhension de la population progresse linéairement au mieux et que le cadre réglementaire qui l’entoure ne fait que progresser au rythme d’une “tortue”.

Ce décalage entre ce que dont la science est capable et la façon dont nous la comprenons et sommes si peu préparés est en train de créer une poudrière publique extrêmement dangereuse.

Un nombre absurde d’américains a paniqué il y a un an lorsque 4 cas d’Ebola sont apparus aux États-Unis. Le public américain n’avait pas été socialement préparé au défi Ebola, et pourtant le virus a envahi des parties entières de l’Afrique pendant des décennies.

Nous avons besoin de débuter une conversation concernant notre futur, à l’échelle de toute l’espèce humaine. Nous ne l’avons pas fait à l’aube de l’ère industrielle ou nucléaire, ce qui aurait pu éviter des catastrophes.

Un pourcentage de plus en plus important de la population mondiale est connecté d’une manière ou d’une autre aux grilles d’information. Nous avons maintenant une fenêtre de tir limitée pour éviter de commettre les mêmes erreurs que par le passé, et réussir à définir les bases des décisions que nous devrons collectivement prendre concernant notre futur. Étant donné le clivage politique induit par cette question, la fenêtre ne restera pas longtemps ouverte.

Une telle conversation impliquerait de relier des individus et des communautés, à travers le monde, ayant des origines et des perspectives différentes, et des degrés divers d’éducation, au sein d’un réseau interconnecté de dialogue.

Cela supposerait de créer une fenêtre de discussion entre des personnes catégoriquement opposées à l’amélioration génétique humaine, ceux qui considère l’amélioration génétique comme une panacée, et la grande majorité de tous ceux qui n’ont aucune idée de la transformation déjà en cours. Cela mettrait en lumière à la fois le potentiel difficilement imaginable de ces technologies, mais aussi le danger représenté par la mobilisation des efforts des opposants pour miner le travail le plus prometteur pour guérir les cancers et éliminer les maladies.

Mais l’alternative est bien pire. Si un nombre relativement restreint de personnes, même très bien intentionnées, déclenchent une révolution génétique humaine qui touche finalement la plupart des individus et modifie la trajectoire évolutive de notre espèce sans une contribution informée, significative et précoce d’autrui, le contrecoup de la révolution génétique dépassera de loin les bénéfices potentiels.

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