Mondialisation et la technologie sont intimement liées. La circulation des personnes, des biens et des idées est accélérée et élargie par de nouvelles formes de transport et de communication. Et le développement technologique est, à son tour, renforcé par la diversité des idées et du changement d’échelle induit par la mondialisation.
1. Même quand la technologie progresse, la mondialisation n’est pas inévitable
Le dernier revirement majeur s’est produit suite à la 1ère Guerre mondiale et à la période de turbulence économique qui en a découlé. Les niveaux d’intégration économique mondiale ont atteint un sommet en 1914. Il a fallu attendre la seconde moitié du XXe siècle pour que ces sommets se rétablissent.
2. Les systèmes et standards mondiaux ont plus d’impact que les technologies individuellement
La baisse du coût des transports et des communications permet d’échanger plus de choses, à l’image du navire à vapeur qui a réduit le temps et le coût de la traversée de l’Atlantique selon un horaire fiable au XIXe siècle. Mais une technologie ne change pas le monde seule. La première grue à conteneurs spécialement conçue à cet effet pouvait déplacer des charges équivalente à plus de 40 fois la productivité moyenne d’une équipe de dockers. Grâce à l’émergence et à la diffusion de normes mondiales au milieu des années 1960, cette productivité s’est répandue dans le monde entier. Et cela a directement affecté l’emploi dans les secteurs du transport maritime, les travaux manuels étant remplacés par les grues et des conteneurs. Le commerce mondial et la richesse mondiale ont non seulement bondi, mais ont atteint un nouveau taux de croissance qui a persisté pendant des décennies.
Il convient toutefois de noter que cet avantage n’a pas été sans conséquence. Le nombre de dockers enregistrés sur la côte Est des États-Unis a diminué de plus des deux tiers entre 1952 et 1972. Le nombre de dockers au Royaume-Uni est passé de plus de 70 000 au début des années 1960 à moins de 10 000 à la fin des années 1980. L’émergence de nouveaux emplois a compensé globalement ces pertes car au global les gains étaient bien plus élevés. Néamoins, pour les dockers et leurs familles, cela a signifié trouver un nouveau revenu.
3. Le Village Monde est construit sur des fondations numériques
L’expansion d’Internet et le coût relativement faible lié aux technologies numériques font que les personnes qui ont la chance d’avoir accès aux réseaux numériques sont à la fois davantage ancrées dans le monde et à l’échelle locale. Les nouvelles technologies industrielles (y compris l’impression 3D, les nouvelles formes d’automatisation industrielle et l’apprentissage machine) permettent rapidement la personnalisation en masse des produits et l’optimisation locale de l’offre et de la demande. Par conséquent, le mouvement des makers et l’économie du partage se développent rapidement. Cela augmente le nombre de personnes qui peuvent utiliser la technologie pour créer de la valeur. En 2016, la GSMA a identifié 314 centres technologiques en Afrique. Moins de 2 ans plus tard, ce nombre avait augmenté de près de 50 % pour atteindre 442. Qu’il s’agisse de politique nationale et internationale, de genre, de race ou d’autres questions sociales, les histoires qui dominent nos sociétés ne sont plus façonnées par un petit groupe de personnes considérées comme faisant autorité et dignes de confiance. Maintenant tout le monde a voix au chapitre.
4. Le Grand Jeu revisité
La course au progrès technologique a un impact sur les bases de l’influence géopolitique, et détermine aussi la capacité d’influencer la forme de la mondialisation. Les technologies ont toujours accordé aux pays et aux organisations qui les maîtrisaient le pouvoir économique, militaire et politique à des degrés divers.
Aujourd’hui, les pays investissent massivement dans des technologies telles que l’IA et l’informatique quantique. Dans son récent ouvrage « AI Superpowers », Kai-Fu Lee affirme de façon convaincante que la Chine est parmi les mieux placées pour remporter la prochaine phase de la course à l’IA, en raison de sa capacité à mettre en œuvre des techniques d’apprentissage machine de pointe et à exploiter son accès à des quantités massives de données dans un environnement réglementaire favorable aux IA.
5. La mondialisation 4.0 devrait s’appuyer sur des valeurs positives communes
Les règles et les institutions mondiales sont loin d’être neutres. Elles intègrent nos valeurs, nos idées sur le monde et nos ambitions vis-à-vis du futur. Les précédentes phases de la mondialisation ont été critiquées à juste titre parce qu’elles ont laissé des gens sur le carreau, tout en étant célébrées pour la création de richesses, la diffusion de technologies et l’amélioration du niveau de vie dans le monde entier. Mais notre ambition doit être bien plus élevée pour la prochaine phase.
La presse à imprimer est souvent citée comme un précédent historique. Nous devons veiller à ce que les technologies fondatrices de la prochaine phase de la mondialisation soient centrées sur l’être humain et guidées par des valeurs positives. Qu’est-ce que cela signifie ? En même temps que nous célébrons les possibilités qu’offre l’IA pour rendre nos organisations plus productives, nous devons réduire la fracture numérique et veiller à ce que les algorithmes remettent en question, plutôt que de renforcer, les préjugés et la discrimination existants. Et, au moment où nous commençons à utiliser les registres distribués pour révolutionner la finance mondiale, nous devons déployer la blockchain d’abord pour aider les réfugiés à prouver leur identité et aider les organisations de la société civile à suivre leurs engagements durables. La 4ème révolution industrielle et la mondialisation 4.0 sont autant d’occasions de corriger ce qui a mal tourné dans les phases précédentes.
La suite ici (Nicholas Davis & Derek O’Halloran)