L. Bardon . – La Chine a lancé Tianhe-1 il y a quelques mois, le premier module d’une nouvelle station spatiale orbitale. Elle devrait être opérationnelle d’ici fin de 2022. Le lancement, qui s’est déroulé sans encombre, prépare la Chine à une période très chargée au cours des deux prochaines années, au cours de laquelle elle poursuivra l’un de ses projets spatiaux les plus ambitieux. Bien que ce projet ait été conçu et approuvé depuis 1992, il se concrétise au moment où l’avenir de l’homme en orbite terrestre basse est en jeu. La Station spatiale internationale entre dans ses dernières années. Tianhe sera le principal quartier d’habitation des astronautes à bord, et les deux segments suivants, Wentian et Mengtian, accueilleront une série d’expériences scientifiques tirant parti de la microgravité de la station. Plus intéressant encore, la station jouera un rôle important en aidant la Chine à déployer et à exploiter un tout nouveau télescope spatial, le Xuntian, destiné à rivaliser avec le vieux télescope spatial Hubble de la NASA, avec un champ de vision 300 fois plus grand et une résolution similaire.
En 2020, Chang’e-5, une mission complexe de retour d’échantillons, est revenue sur Terre avec de jeunes roches lunaires, complétant ainsi le programme lunaire chinois en trois étapes « orbite, atterrissage et retour » conçu au début des années 2000. Ces succès, ainsi que le regain d’intérêt scientifique et commercial international pour la lune, ont incité la Chine à se lancer dans un nouveau projet lunaire qui s’appuie sur les capacités nouvellement acquises du programme Chang’e.
La station internationale de recherche lunaire (ILRS) est un mégaprojet complexe et structuré en plusieurs phases que l’Administration spatiale nationale chinoise (CNSA) a dévoilé conjointement avec la Russie en juin à Saint-Pétersbourg. Suite à des missions d’atterrissage et de mise en orbite dans les années 2020, ses concepteurs envisagent une base lunaire habitée en permanence au milieu des années 2030. L’ILRS commencera par une phase de reconnaissance robotique jusqu’en 2030, en utilisant des engins spatiaux en orbite et en surface pour étudier les zones d’atterrissage et les ressources potentielles, effectuer des tests de vérification technologique et évaluer les perspectives d’une éventuelle base permanente habitée sur la Lune.
La phase d’utilisation devrait commencer au début des années 2030. Elle comprendra les missions numérotées ILRS-1 à 5 et s’appuiera sur des lanceurs lourds pour établir une infrastructure de commandement, d’énergie et de télécommunications, des installations d’expérimentation, scientifiques et IRSU, ainsi que des capacités d’observation de la Terre et de l’astronomie. Une fois achevé, l’ILRS accueillerait et soutiendrait des missions avec équipage sur la Lune vers 2036.
La Chine et la Russie invitent tous les pays et partenaires intéressés à coopérer au projet. L’initiative sera toutefois distincte du programme lunaire Artemis des États-Unis. Les États-Unis s’opposent depuis longtemps à une coopération avec la Chine dans l’espace, et les récents développements géopolitiques impliquant à la fois Pékin et Moscou ont encore aggravé la situation. En conséquence, la Chine et la Russie, son partenaire de la Station spatiale internationale, se sont tournées l’une vers l’autre comme partenaires hors du monde.