L. Bardon . – En 2018, Alphabet remportait un appel d’offres pour le réaménagement de 800 acres du secteur riverain de Toronto en octobre 2018. Le plan promettait des services Internet à très haut débit et omniprésents, des feux de circulation et des bordures intelligents, des auvents intelligents dans les espaces publics, des robots de livraison souterrains, des maisons en bois et un réseau électrique thermique. Le plan de Sidewalk comprenait une série de dispositions visant à rendre la vie en ville moins énergivore. Il s’agissait notamment de bâtiments à faible consommation d’énergie qui dépendent de sources propres, d’un réseau d’énergie thermique intelligent et d’un environnement optimisé pour le cyclisme. En 2020, sous couvert de la crise sanitiaire, Alphabet jetait l’éponge sur ce projet de smart city.
À en croire l’autorité de développement de Konza Technopolis, rien n’indique que treize années se sont écoulées depuis le lancement de ce que le gouvernement kenyan a présenté en 2008 comme la future ville « la mieux planifiée » d’Afrique. Avec des promesses de création massive d’emplois et l’afflux d’investisseurs, l’inauguration de Konza City était censée être une source de fierté nationale et un marqueur de progrès – un signe que le Kenya était à la pointe de la technologie mondiale. C’était aussi le début d’une tendance à l’échelle du continent.
Au cours de la dernière décennie, plus d’une demi-douzaine de pays africains ont tenté de se hisser dans les strates supérieures de la technologie et de la finance en développant des villes intelligentes. Il existe actuellement une longue liste de villes intelligentes, ou technologiques, en cours de construction ou de planification sur le continent : notamment Eko Atlantic City au Nigeria, HOPE City au Ghana, une ville éthiopienne qualifiée de « vrai Wakanda » d’après le film Black Panther, Kigali Innovation City au Rwanda et Akon City au Sénégal. Elles promettent toutes de résoudre les problèmes de pauvreté et de stagnation économique dans leurs pays respectifs grâce à des technologies innovantes. La ville de Konza, au Kenya, a été la première.
Ces nouvelles capitales représentaient un nouveau type d’utopisme civique : elles ont donné à leurs pays respectifs un moyen d’imaginer et de poursuivre de meilleures versions d’eux-mêmes. La volonté de construire des villes intelligentes est la concrétisation de ce rêve au XXIe siècle, dominé par les technologies de l’information. Pourtant, ces villes sont loin d’avoir tenu leurs promesses. Même dans les rares cas où les villes intelligentes sont effectivement achevées, elles ne sont jamais à la hauteur de ce qui a été vendu au départ : la chance pour les pays africains de montrer qu’ils sont à la hauteur des nations occidentales et asiatiques qui dominent le secteur technologique mondial. Les gouvernements africains n’ont pas non plus réussi à vendre pleinement ces projets aux investisseurs et au public qu’ils sont censés servir. Les villes en question sont soit portées par des multinationales, par les pays eux-mêmes ou, dans le cas du Sénégal et de l’Ouganda, par le musicien sénégalo-américain Akon.