Dans la ville chinoise de Zhengzhou, un policier portant des lunettes intégrant la reconnaissance faciale a repéré un trafiquant d’héroïne dans une gare. A Qingdao, ville célèbre pour son héritage colonial allemand, des caméras alimentées par l’intelligence artificielle (IA) ont aidé la police à attraper deux douzaines de suspects criminels au milieu d’un grand festival annuel de la bière. A Wuhu, un suspect de meurtre en fuite a été identifié par une caméra alors qu’il achetait de la nourriture dans la rue. Avec des millions de caméras et des milliards de lignes de code, la Chine est en train de façonner une société où la technologie est au service d’un contrôle autoritaire. Pékin adopte et déploie massivement des technologies comme la reconnaissance faciale et l’IA pour identifier et suivre 1,4 milliard de personnes. Elle veut mettre sur pied un vaste système national de surveillance sans précédent, avec l’aide cruciale de son industrie technologique florissante. La Chine est en train de renverser la vision commune selon laquelle la technologie serait vecteur de démocratisation en apportant plus de liberté aux gens et en les reliant au monde. En Chine, elle a apporté le contrôle.
Le nouveau système de surveillance de la Chine est basée sur une vieille idée : seule une autorité forte peut mettre de l’ordre dans un pays turbulent. Mao Zedong a poursuivi cette philosophie malgré des résultats dévastateurs (famine et ensuite la révolution culturelle). Ses successeurs désiraient également l’ordre, mais craignaient les conséquences d’un régime totalitaire. Ils ont formé une nouvelle entente avec le peuple chinois. En laissant la main au parti, le peuple serait la plupart du temps laissés libres et autorisés à s’enrichir. Ça a marché. La censure et les pouvoirs de la police sont restés forts, mais le peuple chinois a trouvé encore plus de liberté. Cette nouvelle attitude a permis d’inaugurer des décennies de croissance économique fulgurante. Aujourd’hui, cet accord non écrit est en train de s’effondrer. L’économie chinoise ne croît plus au même rythme. Elle souffre d’un grave écart de richesse. Après quatre décennies de salaires plus élevés et de meilleures conditions de vie, ses habitants ont des attentes plus élevées.
Le boom technologique chinois aide le gouvernement à réaliser ses ambitions en matière de surveillance. En termes d’échelle et d’investissement, la Chine rivalise déjà avec la Silicon Valley. Entre le gouvernement et les investisseurs, les jeunes entreprises de surveillance ont accès à beaucoup d’argent et d’autres ressources. En mai, la jeune entreprise A.I. SenseTime a réuni 620 millions de dollars, ce qui lui a valu une évaluation d’environ 4,5 milliards de dollars. Yitu a réuni 200 millions de dollars le mois dernier. Une autre rivale, Megvii, a réuni 460 millions de dollars auprès d’investisseurs, dont un fonds soutenu par l’État, créé par les plus hauts dirigeants chinois.