En 2000, Bill Clinton était optimiste. L’Internet, a-t-il déclaré à l’époque, est en train de décloisonner le monde. L’Internet aller pousser inévitablement la Chine sur le chemin de la démocratie. Comment un pays peut-il contrôler quelque chose d’aussi fluide et espérer encore être aussi dynamique sur le plan technologique ? La Chine allait forcément devoir céder.
Aujourd’hui, la Chine possède les seules sociétés Internet au monde qui peuvent égaler l’ambition et la portée de ses cousines américaines. Ces dernières oeuvrent sur un espace cybernétique cloisonné entre Facebook et Google, surveillé par des dizaines de milliers de censeurs, et soumis à des contrôles stricts sur la façon dont les données sont collectées, stockées et partagées. Les dirigeants chinois aiment l’Internet qu’ils ont créé. Et maintenant, ils veulent orienter le talent et le savoir technologique de la nation pour atteindre l’objectif suivant : bâtir une économie centrée sur l’innovation pour produire des entreprises de classe mondiale.
Il n’y a pas si longtemps, les entreprises de technologie chinoises étaient surtout connues pour copier celles de la Silicon Valley. Mais le flux va maintenant dans les deux sens. Par exemple, les grands médias sociaux américains se tournent vers Tencent et ByteDance pour identifier les dernières astuces permettant de garder les utilisateurs collés à leur téléphone. L’application WeChat de Tencent, un hub tout-en-un pour socialiser, jouer à des jeux, payer des factures, réserver des billets de train et plus encore, a ouvert la voie aux applications de tchat de Facebook et d’Apple, de plus en plus riches en fonctionnalités. Si les Occidentaux ne l’ont pas vu venir, c’est parce qu’ils ont pris l’autoritarisme de la Chine pour de l’hostilité envers la technologie. En Chine, il n’y a finalement qu’une seule règle, relativement simple : ne pas saper l’autorité de l’État. Donc les titans que sont Weibo et Baidu respectent les ordres de censure. Les croyances et les idéologies indésirables sont censurées. Au-delà de cela, tout est permis.
Si les startups peuvent atteindre une échelle gigantesque à une vitesse étonnante ; elles peuvent aussi s’écraser brutalement. Grâce à de faibles protections de la propriété intellectuelle, elles peuvent s’écharper les unes les autres pour attirer les consommateurs. Et l’argent continue d’affluer.
Autre avantage, les industries de la vieille école, comme les médias, les finances et les soins de santé, ont été dominées par des géants de l’État en pleine expansion. Cela a permis à des champions d’Internet comme Alibaba et Tencent de s’intégrer facilement dans ces entreprises. Avec leurs plates-formes de paiement mobiles, les deux géants ont construit des écosystèmes tentaculaires dans lesquels ont lieu de vastes quantités d’activités commerciales.
Pour conserver la main mise sur ces technologies, le gouvernement exige des participations dans les entreprises et une influence sur la gestion. C’est pourquoi la meilleure façon pour les entreprises technologiques de prospérer en Chine est de se rendre utiles à l’État. Mais ce joug de l’état fait peser le risque que le gouvernement n’exige davantage, en absorbant des ressources qui pourraient être mieux dépensées à la recherche d’innovations ou à l’ouverture de nouveaux marchés.