L. Bardon . –La Chine a une classe moyenne en pleine expansion, une main-d’œuvre éduquée et formée et un gouvernement qui exécute des plans à long terme. Pour autant, les Occidentaux ont une vision exagérée des capacités actuelles de la Chine en matière d’IA. Cette exagération est alimentée en partie par les médias et en partie par des acteurs occidentaux qui utilisent délibérément un récit de “course à l’armement en matière d’IA” pour faire avancer leurs propres programmes. Le leadership technologique nécessitera de gros investissements dans le numérique, une innovation rapide dans les processus d’entreprise et des systèmes fiscaux et de transfert efficaces. La Chine semble avoir l’avantage dans le premier cas, les États-Unis dans le second et l’Europe occidentale dans le troisième. Un sur trois ne suffira pas, et même deux sur trois ne seront pas suffisants ; celui qui fera les trois meilleurs efforts dominera les autres.
« Les Chinois peuvent passer un test, mais ce qu’ils ne peuvent pas faire, c’est innover. Ils ne sont pas très imaginatifs. Ils n’ont pas l’esprit d’entreprise … c’est pourquoi ils nous volent notre propriété intellectuelle », a déclaré Carly Fiorina, ancienne PDG de Hewlett Packard, lors de la campagne électorale d’il y a cinq ans. Contrairement à ce que Fiorina pensait à l’époque, les Chinois – du moins dans le domaine de la technologie – ont prouvé qu’ils étaient des entrepreneurs de classe mondiale comme le montrent les géants technologiques comme Alibaba, Baidu, ByteDance, Didi Chuxing, Meituan, Tencent, Xiaomi, etc…
Qu’en est-il de l’innovation ? Fiorina avait à moitié raison. Les Chinois savent adapter les idées des autres, ajouter de la valeur et gagner beaucoup d’argent sur leur marché national – ce qui est une forme valable d' »innovation ». Mais qu’en est-il de la véritable innovation ? Pour dire les choses simplement, en Chine aujourd’hui, l’accent est mis sur la pensée de Xi Jinping, et non sur la libre pensée. Or, les inventeurs originaux et ceux qui enfreignent les règles, comme Steve Jobs et Elon Musk, prospèrent lorsqu’ils peuvent penser de manière critique, remettre en question l’autorité, défier les normes, être des francs-tireurs.
Conscient des difficultés à attirer les meilleurs cerveaux dans un pays dirigé par le communisme, Pékin a lancé en 2008 le plan « Mille talents », qui offre des primes en espèces aux Chinois de l’étranger qui retournent travailler en Chine, que ce soit à temps plein ou à temps partiel. Toutefois, une étude indépendante a révélé que sur les plus de 750 participants au plan « Mille talents » au cours des cinq premières années, 55 % de ceux qui ont opté pour un travail à temps partiel en Chine vivaient toujours aux États-Unis, et que leurs publications scientifiques étaient de loin supérieures à celles de ceux rapatriés à temps plein.
L’approche descendante du gouvernement constitue un autre facteur freinant l’innovation en Chine, en particulier dans les secteurs technologiques stratégiquement importants comme l’IA et les semi-conducteurs. Pékin aime oindre les champions nationaux et fixer des objectifs spécifiques liés à des plans sur cinq et dix ans. Mais si la planification à long terme présente des avantages, l’histoire a montré que les gouvernements ne savaient pas bien choisir les gagnants dans le domaine des technologies.
Ce qui nous amène au deuxième défi auquel est confrontée l’industrie technologique chinoise aujourd’hui. Alors que les entrepreneurs du pays tentent de reproduire leur succès sur les marchés étrangers, ils sont confrontés à un recul important, en particulier aux États-Unis. TikTok et Huawei en sont deux excellents exemples.
