Il est indéniable que les nouvelles technologies ont supprimé beaucoup d’emplois au cours de ces vingt dernières années. Le rythme va toutefois s’accélérer dans les vingts prochaines avec l’accélération des progrès technologiques.
Il ne s’agit pas du premier tournant de notre histoire. Nous avons connu de nombreux progrès technologique qui ont bouleversé notre monde: la machine à vapeur à la fin du XVIIIe et l’électricité à la fin du XIXe en sont deux exemples marquants. La « révolution industrielle » de la fin du XIXe s’est caractérisée par le passage d’une économie traditionnelle dominée par l’agriculture à un nouveau type d’économie dominé par l’industrie.
Prenons un autre exemple: l’automobile. Cette invention technologique majeure a considérablement modifié les sociétés du monde entier. À son apparition à la fin du XIXe, l’automobile ne faisait pas l’unanimité. Elle révolta un grand nombre de la population, effrayait les chevaux et dérangeait l’ordre établi. De nombreux intellectuels conservateurs ont commencé à s’opposer à l’augmentation des véhicules à moteur en raison du nombre croissant d’accidents mortels s’expliquant en partie par l’état des routes et le manque de signalisation.
Pour autant, grâce à la diminution des prix, l’automobile est devenu de plus en plus populaire parmi les classes moyennes. Ce n’était désormais plus un jouet réservé aux riches. Cette nouvelle technologie représentait la liberté individuelle, la mobilité et l’indépendance.
Depuis le début de la révolution industrielle, les entreprises n’ont cessé de rechercher et développer des nouvelles technologies. Les phases successives de cette nouvelle ère se sont toutes traduites par le remplacement de l’homme par la machine.
Les nouvelles technologies de l’information sont en train de révolutionner les structures de l’économie de la même manière que l’industrie lourde à modifier l’économie agricole.
Le développement d’une puissance de calcul et d’une capacité de stockage bon marché ont permis l’essor du Big Data. Cette nouvelle branche de l’informatique rend possible l’automatisation de nombreuses tâches répétitives et le traitement de gigantesque volume d’information. Un grand nombre d’emplois attachés traditionnellement aux cadres supérieurs sont en train de disparaître en conséquence.
Deux chercheurs de l’université britannique d’Oxford, Carl Frey et Michael Osborne, ont évalué la probabilité d’automatisation d’un emploi par des ordinateurs sur 700 professions aux Etats-Unis. Leur conclusion: 47 % des emplois sont voués à disparaître dans les 20 prochaines années. Certain secteur sont toutefois plus exposés que d’autres. Par exemple, 87% des emplois dans l’immobilier et la restauration sont sujet à automatisation. Même dans certaines industries très qualifiées comme la finance et l’assurance jusqu’à 54% de ces emplois pourraient disparaître d’ici à 2033.
L’industrie des transports, un des secteurs les plus importants en Europe avec plus de 10 millions d’emploi et représentant 4,6 % du PIB, nourrit toutes les craintes avec l’arrivée de la voiture autonome de Google (des prototypes sont également prêts chez presque tous les constructeurs automobiles).
Faut-il donc avoir peur de la destruction de tous ces emplois?
Comme le rapporte le Guardian, une étude menée par des économistes du cabinet de conseil Deloitte a montré que plutôt que de détruire des emplois, la technologie a été une « grande machine à créer des emplois ». En outre, leur étude fait valoir que le débat a été biaisé vers les effets destructeurs d’emplois plus facilement observable.
La diminution des prix et la démocratisation de ce qui était autrefois l’apanage des riches augmentent les dépenses dans des nouveaux marchés. Comme le résument très bien Arianna Huffington et Eric Schmidt:
« S’il y a beaucoup d’inquiétudes, en termes d’emplois, sur le remplacement des humains par les robots, en fait nous voyons aussi que la technologie permet l’émergence d’un nombre considérable de nouveaux emplois ».
D’après l’OECD, pour que le progrès technologique apporte non seulement des gains de productivité mais aussi davantage de croissance économique et des emplois nouveaux, il doit se produire dans des conditions permettant à la fois une restructuration du secteur industriel, la création et l’essor des petites entreprises, la croissance de nouveaux secteurs, le lancement de nouveaux produits et la mise en place de mécanismes assurant une amélioration effective des qualifications des travailleurs.
Dans notre exemple de l’industrie des transports, il est effectivement à craindre que les véhicules autonomes causent une perte d’emploi sans précédent et une restructuration fondamentale de notre économie. Mais ceci résoudra une grande partie de nos problèmes environnementaux, préviendra des dizaines de milliers de décès par an et permettra d’économiser des millions d’heures de productivité. Enfin, il est fort à parier que cela va sans aucun doute créer un ensemble de nouvelles industries que nous ne pouvons pas encore imaginer à l’heure actuelle.