Nous aspirons depuis toujours à vivre le plus longtemps possible. Cette quête ininterrompu de l’immortalité a trouvé une forme de réponse dans l’émergence des religions. Parallèlement, la science a accompli pour nous des miracles. Nous vivons beaucoup plus longtemps que nos ancêtres. D’abord parce que notre hygiène s’est considérablement améliorée mais aussi parce que nous bénéficions d’antibiotiques et vaccins contre les maladies infectieuses. Les recherches actuelles sur le prolongement de la vie présentent une tournure intéressante et posent d’immenses questions éthiques. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour repousser la mort ?
Imaginez s’il existait une pilule capable de ralentir la façon dont nos cellules vieillissent, nous permettant d’éviter les maladies liées à l’âge – et probablement aussi d’étendre la durée de nos vies ? Si cette hypothèse n’est pas au goût de tous, la plupart feront probablement le choix de profiter le plus longtemps possible de leur proches… s’ils peuvent rester mobiles, indépendants et intellectuellement performants. Quitte à mourir, autant le faire paisiblement chez soi, dans son sommeil, et le plus tard possible.
Mais une telle pilule de prolongement de la vie ne serait pas sans conséquence sur notre société. L’espérance de vie varie déjà fortement. Elle est liée à de nombreux facteurs dont l’éducation, la situation financière, l’endroit dans lequel nous vivons… Selon Alexander Capron, expert en matière de politique et d’éthique de la santé à l’Université University of Southern California Gould School of Law, les thérapies visant à prolonger l’espérance de vie pourraient accentuer les inégalités. Ces traitements seront bien sûr coûteux au départ. Ils pourraient devenir ensuite abordables mais ne pas être totalement couverts par les régimes de soins par exemple. Ils pourraient aussi n’être accessibles qu’à certains pays. Actuellement 4 milliards d’être humains n’ont toujours pas accès à des dispositifs de diagnostics médicaux par exemple.
Pour certains bioéthiciens ces arguments sont fondés mais ne doivent pas empêcher la recherche de nouveaux traitements. « Les préoccupations éthiques de l’accès inéquitable aux soins de santé ont été – et continuent d’être – une forme dramatique d’injustice dans la société », explique James Hughes, un bioéthicien au Trinity College et directeur de l’Institut d’éthique et technologie émergente, un think tank techno-progressiste. « Mais il n’y a jamais eu de campagne contre la chimiothérapie, ou toute autre forme de médecine, au motif qu’elle soit inaccessible. »
Pour examiner les implications éthiques dans leur globalité, il faudrait considérer les impacts à la fois sur la société et à l’échelle de l’individu. Des personnes en meilleure santé pourrait par exemple être plus productives, tout en coûtant moins cher aux systèmes de santé. Il faudrait aussi considérer tous les impacts sur notre modèle sociétal : la sécurité sociale, la retraite, la perte mécanique d’emplois en cas de départs à la retraite plus tardifs, le taux de criminalité qu’engendrerait plus de chômage, les ressources naturelles, la densité urbaine, la durée des copyrights, les peines de prison… L’allongement de l’espérance de vie pose aussi des questions liées à l’héritage, le transfert plus tardif et moins fréquent de propriété, ce qui augmenterait encore davantage les difficultés que connaissent déjà les jeunes générations pour accèder à la propriété. L’allongement de l’espérance de vie pourrait aussi influer sur la politique. Les différences générationnelles s’expriment aussi au travers d’intérêts économiques et sociaux divergents.