Le véritable enjeu politique de l’automatisation des emplois, c’est la gestion du court-terme

Image parGerd Altmann de Pixabay

Selon l’argument économique couramment utilisé, à court-terme l’automation induira une perte pour les travailleurs, mais sera bénéfique pour l’ensemble de la population à long-terme. A titre d’exemple, Christopher Pissarides, prix Nobel d’économie, et Jacques Bughin, du McKinsey Global Institute, affirment que l’augmentation de la productivité résultant de l’automatisation  » implique une croissance économique plus rapide, des dépenses de consommation plus élevées, une demande accrue de main-d’œuvre et donc une plus grande création d’emplois. »

Mais cette théorie de la compensation est beaucoup trop abstraite. Pour commencer, il faut faire la distinction entre l’innovation qui permet d’économiser du travail et l’innovation qui permet d’augmenter le travail. L’innovation produit, comme l’émergence de l’automobile ou du téléphone mobile, est un facteur d’augmentation de la main-d’œuvre. En revanche, l’innovation de processus, ou l’introduction d’une méthode de production améliorée, permet d’économiser de la main-d’œuvre, car elle permet aux entreprises de produire la même quantité d’un bien ou service existant avec moins de travailleurs.

Il existe plusieurs mécanismes de ce type. Tout d’abord, l’augmentation des profits entraînera de nouveaux investissements dans de nouvelles technologies et, par conséquent, dans de nouveaux produits. En outre, la concurrence entre les entreprises entraînera une baisse générale des prix et une augmentation de la demande de produits et donc de main-d’œuvre. Enfin, la réduction des salaires provoquée par le chômage technologique augmentera la demande en main-d’œuvre et induira un retour à des méthodes de production plus consommatrices en main-d’œuvre, absorbant les travailleurs licenciés.

La rapidité avec laquelle ces mécanismes de compensation fonctionneront dépendra de la facilité avec laquelle le capital et la main-d’œuvre circuleront entre les professions et les régions. Les économistes keynésiens soutiennent que la baisse de la demande de biens résultant du chômage précédera, et donc dominera, la baisse des prix résultant de l’automatisation. Cela entraînera une nouvelle augmentation du chômage, du moins à court terme.

De plus, même si de telles pertes d’emplois n’étaient qu’un phénomène à court terme, l’effet cumulatif d’une série d’innovations induisant plus d’automatisation au fil du temps pourrait créer du chômage de longue durée. En outre, un mécanisme efficace d’ajustement des prix suppose la prévalence générale de la concurrence. Mais dans un marché oligopolistique, une entreprise peut utiliser ses économies de coûts pour augmenter ses bénéfices plutôt que de réduire ses prix.

Ces considérations confortent l’opinion contemporaine selon laquelle les avantages de l’automatisation sont à considérer sur le long terme, avec une « redondance » qui devrait augmenter pendant une « période de transition ». Mais lorsque la transition peut durer des décennies, comme le reconnaît un récent rapport du McKinsey Global Institute, il n’est guère surprenant que les travailleurs soient sceptiques face à cette multitude d’arguments sur les bénéfices à long-terme.

Les effets distributifs du changement technologique occupent depuis longtemps une place importante dans les discussions entre économistes. Ce sont des arguments techniquement compliqués. Mais la théorie économique n’apporte évidemment pas de réponse claire quant à l’effet à long terme du progrès technologique sur l’emploi. La meilleure conclusion que l’on puisse en tirer est que l’impact dépendra de l’équilibre entre l’innovation des produits et des processus, et de facteurs tels que l’état de la demande, le degré de concurrence sur le marché et l’équilibre du pouvoir entre capital et travail.

La suite ici (Robert Skidelsky)

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