A mesure que la technologie rend le travail plus rapide, plus efficace et plus respectueux de l’environnement, les produits sont créés mais nécessitent la mobilisation de beaucoup moins de travailleurs. Pendant des décennies, les économistes étaient d’avis que les progrès technologiques créent autant d’opportunités pour les travailleurs qu’ils en suppriment. Au cours des dernières années, toutefois, des recherches ont commencé à indiquer le contraire. Au fur et à mesure que l’automatisation fait baisser les salaires, les emplois dans les usines deviennent à la fois moins abondants et moins attrayants. Ce processus, comme l’affirment certains économistes, peut aussi exacerber les inégalités. Le marché du travail est construit autour de l’idée de rareté de la main-d’œuvre : chaque personne a un faisceau de main-d’œuvre (sa propre capacité à travailler) dont les employeurs ont besoin et qu’elle peut vendre sur le marché du travail. Ce modèle est en train de s’éroder. Récolter des fruits et d’autres produits, ce qui implique des heures sous le soleil chaud, est le genre de travail que les Américains sont de plus en plus réticents à faire et qui incombe souvent à la main-d’œuvre immigrée mal payée. Un robot qui pourrait cueillir efficacement des fruits pourrait probablement faire beaucoup de choses qui sont actuellement du ressort exclusif de l’être humain. Potentiellement, il pourrait relever le défi de la robotique industrielle, non seulement en collectant les poubelles, mais aussi en les fouillant et en retirant une carte de crédit…
« Qu’est-ce que les gens font maintenant que les robots pourraient faire ? » Si les dirigeants d’entreprise veulent connaître la réponse à cette question, ils la posent rarement en public. L’automatisation est un sujet qui est traité avec beaucoup de diplomatie, tant en Europe qu’aux États-Unis. Aux États-Unis, les dirigeants d’entreprises hésitent à être cités sur le sujet ; quand ils le sont, leur ligne de conduite habituelle est que les robots ne remplacent pas les humains mais contribuent simplement à rendre leur travail moins pénible. L’automatisation a également permis d’accroître le volume de fabrication aux États-Unis, en le rendant plus efficace. La façon la plus immédiate de rendre la fabrication plus efficace, étant de réduire le nombre de travailleurs nécessaires. Pourtant, lorsque le secteur manufacturier qui s’est exporté à l’étranger reprend du service, certains emplois reviennent aussi, même s’ils ne sont plus les mêmes, et pas dans les mêmes proportions qu’auparavant. L’an dernier, pour la première fois depuis des décennies, le nombre d’Américains employés dans le secteur manufacturier a augmenté.
Les emplois dans le secteur manufacturier représentent aujourd’hui moins de 10% de la main-d’œuvre américaine. Avec la fermeture d’usines, des employés déplacés ont cherché du travail dans la restauration rapide ou dans des magasins de détail en grande surface, où le salaire et les avantages sociaux sont beaucoup moins intéressants. Ces emplois disparaissent peu à peu. Pour les travailleurs peu qualifiés, les emplois dans les entrepôts semblent être une bonne chose. Mais les mêmes facteurs qui ont attiré de la main d’œuvre en ont depuis quelques années une cible tentante pour l’automatisation. En 2012, Amazon a dépensé près de800 millions de dollars pour acheter une société de robotique appelée Kiva, qui fabrique des robots capables de déplacer de grandes piles d’étagères pesant jusqu’à 750 livres. Selon un rapport de recherche de la Deutsche Bank, Amazon pourrait économiser 22 millions de dollars par an en introduisant les machines Kiva dans un seul entrepôt ; les économies réalisées à l’échelle de l’entreprise pourraient atteindre des milliards.
Une grande partie de la puissance économique de la Chine au cours des deux dernières décennies provenait de sa position d’usine du monde, mais au cours des dernières années, sa croissance a commencé à ralentir. La Chine n’a jamais été un endroit particulièrement commode pour les entreprises occidentales pour faire fabriquer leurs baskets, leurs T-shirts et leurs gadgets ; l’attrait principal était la main-d’œuvre bon marché. Le gouvernement chinois consacre maintenant d’énormes moyens pour transformer l’Empire du Milieu en capitale mondiale de l’automatisation. Les perturbations provoquées par l’automatisation ne devraient pas se limiter aux emplois peu qualifiés ; on s’attend également à des empiétements importants dans le secteur des cols blancs, les experts prévoyant que les professionnels comme les comptables, médecins, avocats, architectes, enseignants et journalistes seront tous en compétition avec des ordinateurs plus compétents dans l’avenir.
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