« Bio is the new digital » : pourquoi les milliardaires de la Silicon Valley se sont lancés à l’assaut de notre santé ?

« Bio is the new digital ».

Les milliardaires de la Silicon Valley dépensent des milliards de dollars pour atteindre leur prochain objectif avoué et mégalomaniaque : vaincre la mort. L’espérance de vie n’est que la nouvelle frontière que se sont données les barons de la Silicon Valley pour, à nouveau, faire ce qu’ils font de mieux ; à savoir transformer la vie telle que nous la connaissons en amassant des fortunes au passage.

Selon une étude récente, le marché de la médecine régénérative estimé aujourd’hui à 18 milliards d’euros, devrait atteindre 130 milliards d’euros d’ici 2025. Un marché estimé nécessairement porteur, puisque le nombre de personnes âgées de 85 ans ou plus devrait augmenter de 351% entre 2010 et 2050. D’autant plus que les entrepreneurs à succès de la Silicon Valley prennent un pari fou : les progrès scientifiques seront si rapides et importants que l’espérance de vie augmentera plus vite que nous ne vieillissons ; ce qui nous rendra virtuellement immortels!

La reconstruction et la régénération des organes, des cellules, et de l’ADN pourraient nous aider à vivre plus longtemps et en meilleure santé. Pour y parvenir, ils envisagent d’utiliser des puces informatiques, des logiciels, des algorithmes et le big data pour découvrir des patterns et « améliorer » le corps humain. Ils financent déjà de nombreux projets de recherche dans des domaines variés, tels que le décryptage des secrets des organismes dont l’espérance de vie est plus élevée, la reprogrammation de l’ADN, jusqu’à des technologies supposées garder en vie notre esprit après que le corps soit mort.

Peter Thiel (co-fondateur de Paypal et investisseur dans Facebook), par exemple, a investi dans l’impression 3D d’organes et la génomique humaine. Il détient des participations dans 14 entreprises touchant aux biotechnologies et à la santé et qui se concentrent sur le vieillissement.

Calico (California Life Company), centre de recherche contre le vieillissement, a reçu 750 millions de dollars d’Alphabet sous l’impulsion de Larry Page, dans l’espoir de trouver un traitement contre la thyroïdite d’Hashimoto dont il est atteint. Sergey Brin, l’autre co-fondateur d’Alphabet, a investi 150 millions de dollars dans des projets de recherche sur l’ADN. Il espère un jour « guérir la mort ». Brin espère aussi que ses investissements seront rentables, car il est porteur d’une mutation génétique qui augmente la probabilité qu’il contracte la maladie de Parkinson. Page et Brin financent également d’autres entreprises de biotechnologie.

Mark Zuckerberg co-sponsorise à hauteur de 33 millions de dollars le Breakthrough Prize for Life Sciences, pour guérir les maladies liées à l’âge, avec Sergey Brin. Le rénommé patron de Facebook veut modestement parvenir à guérir toutes les maladies de son vivant.

Enfin, Larry Ellison, co-fondateur du géant Oracle, a dépensé 430 millions de dollars depuis 1997 dans la recherche sur la lutte contre le vieillissement.

Au fil des investissements massifs de ces milliardaires champions du solutionnisme technologique dans la santé et la médecine, la recherche et le développement s’est transformé en technologie de l’information. A la Silicon Valley, il est de coutume de dire que la recherche en biologie en est au même niveau que le numérique l’était à l’aube des ordinateurs.

La biologie synthétique et les matériaux organiques programmables suivent la même tendance exponentielle en termes de performance et de chute rapide des coûts associés. Le projet de décryptage du génome humain en est un parfait exemple. Le nombre de paires de bases d’ADN séquencé doublait chaque année ; et le coût par paire de bases diminuait de moitié chaque année. Ce qui correspond à…la loi de Moore. Lorsque le projet du génome humain a été achevé en 2003, le programme avait coûté un milliard de dollars et pris 13 ans. Aujourd’hui, le séquençage d’un génome prend une journée et coûte environ 1 000 $. D’ici la fin de la décennie, on prévoit qu’il coûtera environ 50 $ et qu’il ne faudra que quelques heures. Ces technologies doublent en puissance chaque année. Et par conséquent, elles seront mille fois plus puissantes dans 10 ans ; et un million de fois plus puissantes dans 20 ans.

Dans le sillage de cette tendance exponentielle, les scientifiques et chercheurs, au travers de leurs recherches pour combattre les maladies, ont déjà réalisés des progrès extraordinaires comme le montrent les exemples suivants :

  1. Dans la lutte contre le cancer : l’immunothérapie consiste à utiliser le système immunitaire du patient (les lymphocytes T dans ce cas) pour combattre le cancer. Les médecins prélèvent des cellules immunitaires des patients, les étiquettent avec des molécules « réceptrices » qui ciblent le virus du cancer incriminé, puis réinjectent les cellules dans le corps. Au cours d’une étude, 94 % des patients atteints d’une forme de leucémie (leucémie lymphoblastique aiguë) ont vu leurs symptômes disparaître complètement. Les patients atteints d’autres cancers du sang ont obtenu un taux de réponse supérieur à 80 %, et plus de la moitié d’entre eux ont connu une rémission complète.
  2. En Chine, CRISPR/Cas9 utilisé dans le cadre de premiers essais sur l’humain : la technique CRISPR-Cas9 est essentiellement utilisée pour « couper et coller » des morceaux d’ADN dans un gène, de le modifier ou d’y insérer les séquences désirées. Pourquoi CRISPR est important ? Parce que cette technique rend la biologie plus programmable que jamais. Pour seulement 30$ les chercheurs peuvent modifier des gènes si finement que les experts en biotechnologie commencent à considérer cette technique comme un langage de programmation quand l’ADN correspond au code à exécuter. Or, une enquête du Wall Street Journal indique que CRISPR a déjà été utilisée dans les hôpitaux chinois pour traiter des maladies humaines comme le cancer ; depuis 2015. Le nouveau rapport montre que l’utilisation de cette technologie prend de l’ampleur. Contrairement aux États-Unis, la Chine permet au comité d’éthique d’un hôpital d’approuver la recherche sur les humains. Des essais CRISPR peuvent donc être approuvés dans l’après-midi. Une équipe de scientifiques en Chine (Université du Sichuan) est ainsi devenue la première à traiter un patient humain atteint d’une forme agressive de cancer du poumon, grâce à la technique de modification génétique CRISPR-Cas9.
  3. La chirurgie sur l’ADN d’embryons pour éliminer des maladies : lors d’une première mondiale, une équipe de chercheurs chinois a modifié des embryons fabriqués en laboratoire, au moyen d’une technique appelée édition de base pour éliminer la bêta-thalassémie (trouble sanguin qui réduit la production d’hémoglobine).
  4. L’Institut national de la santé américain approuve les premiers essais de CRISPR sur des humains : une équipe de médecins de l’école de médecine de l’Université de Pennsylvanie a fait approuver par le National Institute of Health son projet de modification des cellules immunitaires de 18 patients atteints de cancer à l’aide du système CRISPR-Cas9.
  5. A Harvard, un bond de géant dans le traitement du diabète : pour la première fois, les chercheurs de Harvard ont créé des cellules souches « productrices d’insuline » pour guérir le diabète chez la souris, ce qui pourrait constituer un remède prometteur chez l’Homme.
  6. En utilisant CRISPR, des scientifiques ont réussi à éliminer les gènes du VIH chez des animaux vivants et ont obtenu un taux de réussite de plus de 50 %.
  7. Une équipe de scientifiques du Royaume-Uni a découvert un nouveau traitement contre le VIH. Le patient a été traité avec des vaccins qui ont permis à son corps d’identifier les cellules infectées par le VIH. Puis, le médicament Vorinostat a été administré de sorte que ces cellules soient repérées par le système immunitaire.
  8. CRISPR a été utilisée pour guérir complètement la drépanocytose (maladie génétique de l’hémoglobine) en modifiant une séquence d’ADN chez la souris. Le traitement pourrait bientôt être utilisé pour guérir cette maladie qui touche environ 50 millions de personnes dans le monde.
  9. Une intelligence artificielle autodidacte bat des médecins dans la prédiction des crises cardiaques : des chercheurs de l’Université de Nottingham ont créé un algorithme qui surpasse les méthodes standard de prédiction des crises cardiaques. Plusieurs facteurs identifiés par les algorithmes comme des facteurs puissants de prédiction ne figuraient pas sur la liste des lignes directrices de l’American College of Cardiology/American Heart Association (c.-à-d. l’utilisation de corticostéroïdes oraux), tandis que 10 des principaux facteurs de risque dans ces listes n’ont pas été pris en compte.
  10. Le nouveau vaccin contre Ebola s’est avéré efficace à 100 % : aucune des quelques 6 000 personnes vaccinées avec ce nouveau vaccin en Guinée, pays qui compte plus de 3 000 cas confirmés d’Ebola, n’a montré de signes de contamination.

Tous ces résultats extraordinaires constituent la partie visible de l’iceberg.

Mieux vaut prévenir que guérir

Notre génome se compose d’environ 3,2 milliards de paires de bases qui constituent votre « code ». Votre code génétique définit : les maladies que vous pourriez contracter, si vous avez des prédispositions pour les mathématiques ou la musique, la qualité de votre mémoire, à quoi vous ressemblez, le son de votre voix, comment vous vous sentez, combien de temps vous vivrez probablement, etc..

La biologie converge avec l’informatique, de telle sorte que chacun d’entre nous, en tant qu’individu, produira au cours de sa vie l’équivalent de 300 millions de livres en termes de données. La santé va devenir un problème de données. Et le Graal consistera à briser le « code » de la génomique humaine. Ce faisant, les médecins pourraient prédire individuellement votre avenir biologique probable et travailler de façon proactive et personnalisée pour anticiper et augmenter votre santé. Notre système de santé va ainsi passer d’un modèle curatif à un modèle prédictif.

Le système immunitaire humain constitue une protection forte de millions d’années d’évolution et d’expérience. Il est capable de réagir à des attaques microscopiques, assez rapidement pour empêcher le corps d’être submergé et de maximiser l’efficacité de la réponse. Il est également capable de reconnaître les dysfonctionnements au sein de ses propres forces, en localisant les cellules défectueuses et en prenant les mesures appropriées pour résoudre le problème, ou simplement éliminer les cellules…

Or, en raison du processus normal de vieillissement, des changements se produisent dans le système immunitaire, ce qui entraîne une diminution de la quantité et de la qualité des cellules T et B. Imaginez que nous puissions concevoir un « système immunitaire » supplémentaire au travers de robots de quelques nanomètres (milliardième de mètres) pilotés par un système d’intelligence artificielle qui en serait le « cerveau ». Ce système apprendrait progressivement pour proposer des réponses de plus en plus rapides et efficaces. Puis il serait en mesure de prendre le relais contre des virus trop « puissants » comme le VIH, le cancer… voir le vieillissement.

La Chine l’a très bien compris et s’y jette à corps perdu. Dans le cadre de la recherche sur les techniques de médecine de précision, des millions de génomes seront séquencés en Chine dans les prochaines années. La génomique est en plein essor en Chine. Le gouvernement chinois prévoit d’investir d’ici 2030 9 milliards de dollars dans une initiative nationale pour développer la médecine de précision. A titre de comparaison, les États-Unis ont lancé en 2015 le même type d’initiative en injectant 215 millions de dollars. Pour chaque dollar investi par les Etats-Unis dans ces initiatives, la Chine en dépense 43.

En 2016, le groupe public Yang Zi Investment Group a construit un centre de séquençage à Nanjing capable de séquencer les génomes de 400 000 à 500 000 personnes par an. C’est l’équivalent du nombre total de personnes ayant déjà été séquencés, en date de janvier dernier, selon Illumina, le principal fabricant de machines à séquencer. En 2015, 30% de la capacité de séquençage mondiale se concentrait déjà en Chine, et cette proportion ne fait qu’augmenter. En accumulant des puits de données génomiques de plus en plus importants, collectées à l’intérieur et à l’extérieur du pays, la Chine pose aussi les bases de nouveaux pans entiers industriels qui exploiteront la valeur de ces données.

Prenez la startup chinoise iCarbonX déjà évaluée à 1 milliard de dollars. L’objectif d’iCarbonX est de séquencer les génomes de 100 millions de personnes. Pourquoi ? Parce que selon son PDG, un tel volume de données permettra de disposer une capacité prédictive suffisante pour passer d’un modèle de santé curatif à un modèle prédictif. Selon lui, nous disposerons, dans le futur, de versions digitales de chaque humain, d’un avatar sur qui nous pourrons simuler n’importe quelle modification pour en mesurer les effets sur notre espérance de vie. Et la prochaine étape pourrait être encore plus époustouflante.

De la prédiction au design

S’il est possible de corriger l’ADN de l’ovule d’une femme ou du sperme d’un homme, des cellules « invulnérabilisées » contre les maladies pourraient être utilisées pour produire un embryon dans une clinique de fécondation in vitro, puis un enfant. Aux Etats-Unis au moins 3 centres travaillent sur l’ingénierie germinale comme d’autres scientifiques en Chine, au Royaume-Uni, et dans une société de biotechnologie appelée OvaScience, basée à Cambridge, Massachusetts. L’objectif de ces chercheurs est de démontrer qu’il est possible de produire des enfants exempts de gènes spécifiquement impliqués dans les maladies héréditaires.

L’édition des gènes de nos bébés va-t-elle finir par devenir obligatoire dans le futur ? Une enquête de Pew Research menée en août dernier a révélé que 46 % des adultes approuvaient la modification génétique des bébés pour réduire le risque de maladies graves. Fait intéressant, le même sondage a révélé que 83 % des personnes ayant répondu considéraient que modifier génétiquement un bébé pour le rendre plus intelligent serait  » aller trop loin dans les progrès de la médecine « .

Pour l’instant…

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