Ces startups qui veulent changer le monde : Dizzitup – Solofo Rafenombolatiana, CEO

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Image par Loïc Bardon

[INTERVIEW] Solofo Rafeno est le CEO et fondateur de Dizzitup CEO, une marketplace “Energy As a Service” créée pour aider l’Afrique à s’émanciper énergétiquement et financièrement. Suite à une carrière de cadre supérieure au sein de grands groupes, en Europe et en Chine, Solofo est devenu multi-entrepreneur depuis plus de 20 ans. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en télécommunications obtenu après avoir quitté Madagascar, et d’un diplôme de l’Essec. Passionné de musique, il est aussi producteur de festivals de jazz.


L. Bardon – Bonjour Solofo. Je suis ravi que nous ayons l’occasion d’échanger ensemble. J’ai découvert pour la première fois Dizzitup grâce à une connaissance commune : Jean-Michel Billaut. Son interview sur Viméo m’a donné envie d’en savoir davantage sur votre aventure entrepreneuriale. J’aimerais d’abord savoir ce qui vous à pousser à crééer Dizzitup.

S. Rafenombolatiana – La première raison c’est l’âge. J’ai 59 ans. Je suis entrepreneur depuis 20 ans. J’ai travaillé auparavant comme cadre supérieur dans des grands groupes, aussi bien en Europe qu’en Chine. Au crépuscule de ma carrière professionnelle je peux donc facilement prendre un risque financier. 

La seconde raison, c’est que j’ai créé plusieurs entreprises dont certaines ont été des réussites financières mais avec peu de sens. Je veux maintenant passer les prochaines années à résoudre un vrai problème crucial et aider les autres à se développer.

La troisième raison : il y a un marché. En 2015, je suis revenu à Mada dans un petit village. Il y a trente ans j’y étais professeur. A l’époque j’y ai vécu sans eau et sans électricité, à la bougie. Trente ans après, cela n’avait pas changé. L’idée a donc germé mi-2017.

Je considère que l’énergie et le système bancaire sont les deux freins au développement de l’Afrique. L’Afrique comme continent ne pourra pas se développer de manière systémique si elle n’arrive pas à fournir à sa population et entreprises des services d’énergie de qualité et abordables. 

Les infrastructures actuelles ne couvrent que 50% de la population et elles sont de mauvaise qualité (coupures fréquentes et de longue durée).

Les États et opérateurs publics ont de moins en moins de moyens pour investir dans les réseaux électriques;  peu de particuliers et d’entreprises privées accèdent à des services de financement pour s’équiper eux-mêmes en unités de production d’électricité individuelles et autonomes.

Ça fait trois ans et demi que je travaille au quotidien sur le sujet. Je suis donc fier et particulièrement heureux que DizzitUp fasse désormais partie de #1000Solutions efficientes pour changer le monde, une initiative lancée par la Fondation Solar Impulse.


L. Bardon – Depuis que la première révolution industrielle a entraîné un essor du commerce international, l’Afrique est restée largement en marge de l’économie mondiale. Pour autant, d’ici 2022, les prospectivistes estiment que l’Afrique subsaharienne comptera près d’un milliard de téléphones mobiles, soit assez pour la grande majorité des 1,2 milliard de personnes qui devraient y vivre; et ce sans les poteaux et fils de téléphones qui cascadent à travers les autres continents. Pourriez-vous nous expliquer ce que propose Dizzitup et comment cela s’intègre à ce contexte de “technologies saute-mouton” ? Quelles sont vos différences par rapport à d’autres acteurs bien implantés type Paypal ?

S. Rafenombolatiana – 70% des africains adultes ne rentrent pas dans les critères bancaires.

Pour répondre à ce problème majeur, DizzitUp a conçu et opère une Marketplace “ mobile first” dédiée aux produits et services d’énergies renouvelables à déployer sur tout le continent africain. Par ailleurs, notre plateforme intègre également son propre système financier ce qui va permettre : aux investisseurs du monde entier de financer des infrastructures à vendre et déployer en Afrique, aux membres de la diaspora africaine de partout dans le monde d’acheter des produits et services pour leurs familles en Afrique et aux foyers et TPEs africaines d’acheter des produits et services directement en Afrique.

Contrairement aux acteurs off-grid (MKopa, Bbox, Baobab+, …) qui vendent uniquement des kits solaires, nous sommes donc opérateur d’une plateforme “place de marché digitale” de financement et de vente de produits et services autour de l’énergie renouvelable.

Nous y vendons nos propres kits solaires (les DizziBox) en mode PAYGO ou en One-shot . La place de marché est également ouverte aux autres acteurs off-grid qui souhaitent profiter de notre capacité à prendre des commandes partout dans le monde. Enfin, notre système financier décentralisé, désintermédié (sans passer par les banques), nous permet de prendre des commandes et paiement partout dans le monde et livrer les produits et services en Afrique. En fonction du mode de paiement (dizzy, mobile money ou FIAT), nous appliquons des fees de transaction différenciées sur les transactions commerciales et financières.

Notre plan d’extension prévoit l’ouverture de cinq nouvelles verticales : télécoms, alimentaire, éducation, santé et consulting. Demain, un commerçant ou un consultant africain non bancarisé pourra prendre les commandes d’un togolais vivant à New York grâce à notre place de marché.


L. Bardon – L’année covid-19 derrière nous a été le théâtre de profonds bouleversements qui, parfois, se sont aussi transformés en opportunités. Qu’est-ce que la situation sanitaire a changé pour Dizzitup ?

S. Rafenombolatiana – Sanitairement, l’Afrique semble être moins affectée par la pandémie (constat à prendre avec pincettes tellement les statistiques sont sujettes à caution) MAIS économiquement elle en souffre plus que les pays développés car les états n’ont pas les moyens de s’endetter massivement comme en Europe et aux Etats-Unis pour soutenir leurs économies.

Le flux de transfert d’argent Nord-Sud a aussi baissé depuis le début de la pandémie, mais les besoins en “transfert fléché” se sont accrus.

Le concept de place de marché de DizzitUp répond parfaitement à cette évolution des besoins.


L. Bardon – L’Afrique est en plein milieu d’une course visant à définir une norme de monnaie numérique pour l’économie numérique émergente. Jusqu’à présent, trois acteurs sont en lutte, alors qu’il n’existe pas de monnaie numérique panafricaine alternative, que ce soit concrètement ou même au stade de pilote : Bitcoin, une forme de monnaie numérique décentralisée sans émetteur ; Le Libra notamment porté par Facebook, une monnaie numérique privée dont Facebook s’est finalement retirée; Le DCEP chinois, une version numérique de la monnaie légale chinoise, le yuan. Depuis la création de Dizzitup, quels sont les changements les plus marquants selon vous ?

S. Rafenombolatiana – La digitalisation des moyens de paiement en Afrique est plus qu’une actualité. Les africains utilisent plus que les européens et les américains des moyens de paiement électronique via les Mobile moneys. Toutefois les Mobile moneys ont un problème structurel : ils ne peuvent pas se “scaler” à l’international et restent rivés à leurs monnaies locales.

Une monnaie numérique à l’échelle africaine est plus politique que technique. Je ne vois pas une échéance raisonnable dans laquelle les États africains s’en saisiraient.

De facto, le marché fera son choix et Bitcoin jouera ce rôle même si les états comme le Nigeria se rebiffent (bien que Bitcoin ne soit pas une monnaie mais plutôt un actif de placement et refuge).

Facebook, avec Libra, s’est retiré mais pourrait revenir fortement avec WhatsApp qui est LA messagerie la plus populaire en Afrique. Quant au CBDC chinois, intégré dans Alipay & co, le commerce B2B Afrique-Chine pourrait en bénéficier.

Grâce à notre approche, place de marché avec Dizzy (notre stablecoin privé interne à notre écosystème, rivé au USDC), nous avons une chance de saisir une place importante en accélérant notre programme de recrutement de Merchants non-bancarisés en Afrique, chose que Amazon ou Jumia ne font pas.


L. Bardon – La crise joue souvent le rôle de révélateur et accélère les changements. Dans l’économie numérique, la propriété des données sera essentielle, comme en témoigne la ruée des entreprises technologiques mondiales telles que Facebook, Google et Tencent pour les contrôler. Depuis le milieu des années 2000, la Chine a discrètement accumulé une influence significative sur la pile technologique de l’Afrique (près de 50% dans le domaine des téléphones portables et 70% dans les couches du réseau mobile). Aujourd’hui, la Chine peut lancer sa monnaie numérique au sommet de cette pile, en utilisant des puces spécialement conçues et intégrées dans des douzaines de marques de téléphones chinois populaires qui dominent l’Afrique. Quel est votre regard vis-à-vis de ce contexte ? Qu’est-ce qui ne change pas assez vite et pour quelles raisons selon vous ?
S. Rafenombolatiana – Oui la Chine avec Alibaba et Tencent peut s’imposer en Afrique en commençant par les flux B2B. Côté consommateurs, je suis plus dubitatif.

L. Bardon – Quelles sont les prochaines étapes (technologiques, de scalabilité, autre…)de Dizzitup qu’il vous est possible de partager avec nous ?

S. Rafenombolatiana – Nous venons de lancer une plateforme énergie africaine de crowdfunding en royalties développée sur le modèle Kisskissbankbank. Elle est dédiée aux projets à impact en Afrique autour de l’éducation, de l’énergie et de la santé.Nous allons étendre nos services financiers fournis par notre application mobile DizzitApp vers des services DeFI simplifiés comme Épargner, Emprunter/Prêter voire Investir dans des sociétés mondiales ayant lancé leur STO. Ce qui donnera des opportunités aux consommateurs africains d’accéder à des services financiers mondiaux avec leurs propres moyens locaux (CFA, Naira, Birr, Ariary, ZAR, …).

L. Bardon – Merci Solofo pour cet échange très inspirant! Pour celles ou ceux qui souhaiteraient le prolonger, je vous invite à vous rendre sur la chaîne Viméo de l’excellent Jean-Michel Billaut.

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