L. Bardon . – Beaucoup d’experts considèrent que l’intelligence artificielle (IA) jouera un rôle important dans l’éducation du XXIe siècle. Alors que les universitaires continuent de s’interroger sur les meilleures pratiques, la Chine n’a pas attendu. Au cours des dernières années, le pays a massivement investi dans l’enseignement et l’apprentissage augmentés par l’IA. Des géants de la technologie, des startups et des établissements d’enseignement ont tous sauté le pas. Des dizaines de millions d’élèves utilisent des outils d’IA pour apprendre par le biais de programmes de tutorat parascolaires comme Squirrel’s, de plateformes d’apprentissage numériques comme 17ZuoYe, ou même dans leurs salles de classe. La Chine a mis en place la plus grande expérience au monde d’intégration de l’IA dans l’éducation, et personne ne peut en prédire les résultats.
Des entreprises comme Amazon et Netflix utilisent depuis des années des outils d’exploitation des données pour suivre nos clics et nous inciter à acheter ou à regarder davantage de leurs produits. Dans l’enseignement supérieur, les universités utilisent l’analyse pour s’assurer que les étudiants restent engagés dans leur scolarité afin de pouvoir et continuer à collecter les frais de scolarité associés.
La plupart des écoles qui utilisent des systèmes d’analyse prédictive ne sont pas celles les plus recherchées. Au contraire. L’analyse remodèle l’expérience des étudiants dans des écoles moins sélectives, en les positionnant sur un chemin étroit, dont la route est tracée par les données, vers l’obtention d’un diplôme, et comporte moins d’impasses et de mauvais tournants. Si les données peuvent réellement les aider à obtenir un diplôme, les étudiants auront de meilleures chances de réussir leur carrière et leur vie dans la classe moyenne.
Certains éléments indiquent que l’analyse et l’utilisation des données pourraient effectivement avoir un impact. En 2016, après des années de baisse, les taux de diplômes des universités nationales ont recommencé à augmenter et ont continué à progresser ces trois dernières années.
Mais ces progrès pourraient avoir un prix. Des observateurs s’inquiètent des atteintes à la vie privée et de la surveillance des étudiants. Les algorithmes pourraient renforcer les inégalités historiques, dirigeant les étudiants à faible revenu ou de couleur vers des filières moins sélectives. Ces détracteurs craignent également que les données ne découragent involontairement les étudiants et n’incitent certains d’entre eux, qui autrement seraient restés à l’école, à abandonner leurs études.
Ce qui est clair, c’est que la fourniture d’analyses prédictives aux établissements d’enseignement supérieur est devenue un gros business.
Des entreprises vendent un service d’exploration de données qui utilise l’intelligence artificielle pour identifier des modèles au sein de dossiers de millions d’anciens étudiants. Les écoles achètent ces outils pour une bonne raison : trop d’étudiants abandonnent leurs études. Seuls environ 55 % des étudiants qui ont commencé à suivre un cursus de quatre ans en 2008 ont obtenu leur licence six ans plus tard. Dans les universités de deux ans, que fréquentent plus d’un tiers des étudiants du pays, la situation est bien pire. Moins de 40 % des étudiants obtiennent un diplôme d’associé au bout de six ans.
L’une des complications est que la race et l’ethnicité sont étroitement liées aux taux d’obtention de diplôme. Historiquement, les étudiants afro-américains et latinos ont un taux d’obtention de diplôme inférieur à celui des étudiants blancs. Certains observateurs craignent que les outils d’analyse prédictive renforcent les inégalités historiques.
Cela peut sembler intrusif mais certains chercheurs vont plus loin. À l’université de l’Arizona, un professeur s’est penché sur les détection de carte d’identité des étudiants de première année lorsqu’ils étaient nouveaux sur le campus. Les relevés d’identité indiquaient notamment quand les étudiants entraient dans les salles de classe, retournaient au dortoir le soir, consultaient les livres de la bibliothèque ou achetaient un café.