L. Bardon . – Le gouvernement chinois considère l’IA comme un outil de gouvernance sociale. Les entreprises de sécurité représentent la plus grande part des 100 premières entreprises d’IA, selon un rapport de la société de conseil chinoise Yiou Intelligence. Il s’agit notamment de start-ups spécialisées dans la reconnaissance faciale et de sociétés qui fournissent des plateformes de sécurité et de contrôle de la sécurité. Certaines de ces entreprises ont été directement impliquées dans la surveillance de masse du gouvernement du Xinjiang, la région autonome où sont concentrés les membres de la minorité ethnique chinoise, les Ouïgours. D’autres entreprises alimentent l’exportation de technologies de surveillance chinoises vers l’Asie centrale et au-delà.
Wen, professeur à l’université Renmin de Pékin, a été recruté pour travailler à temps partiel à la BAAI (Beijing Academy of Artificial Intelligence), sur un algorithme qu’il espère encore plus intelligent que GPT-3 d’OpenAI. Il prévoit de combiner l’apprentissage machine avec des bases de données, et d’alimenter l’algorithme en images et en vidéos ainsi qu’en texte, dans l’espoir de créer une compréhension plus riche du monde physique.
Certaines percées à la BAAI pourraient bénéficier directement au gouvernement. Wen affirme que son système linguistique pourrait servir d’assistant intelligent pour aider les citoyens à accomplir des tâches civiques en ligne, comme l’obtention d’un visa, d’un permis de conduire ou d’un permis d’affaires. Des systèmes linguistiques d’IA plus sophistiqués pourraient s’avérer utiles pour scanner les médias sociaux à la recherche de commentaires douteux ou pour parcourir les transcriptions d’appels téléphoniques. L’État chinois a adopté l’IA comme outil de gouvernance, notamment pour la censure et la surveillance. Dans le même temps, les fonctionnaires se méfient de la possibilité que l’IA érode le pouvoir de l’Etat. Plusieurs projets de l’institut visent à mettre en place des garde-fous pour l’utilisation commerciale de l’IA, à prévenir les défis éthiques et à limiter le pouvoir des grandes entreprises technologiques.
Un groupe du BAAI explore les principes mathématiques qui sous-tendent les algorithmes d’apprentissage machine, un effort qui pourrait permettre de les améliorer. Un autre groupe s’efforce de tirer des enseignements des neurosciences afin d’élaborer de meilleurs programmes d’IA. La Chine s’enorgueillit d’avoir des universitaires très talentueux dans le domaine de l’IA, mais elle compte encore moins d’experts de premier plan que les États-Unis, le Canada ou certains pays européens.
Les recherches menées au BAAI pourraient peut-être servir d’outils de puissance douce, par le biais de normes techniques, par exemple. Certains étudiants occidentaux de Chine considèrent les efforts du gouvernement pour définir des normes comme un moyen de favoriser les entreprises nationales et de façonner les perceptions et les normes d’une technologie. Alors que certains étudiants chinois pensent que le parti communiste chinois est en fait aux prises avec les implications éthiques des algorithmes d’IA – du moins ceux utilisés par l’industrie privée – tout autant que les gouvernements occidentaux.
En novembre dernier, les autorités gouvernementales ont empêché Ant Group, une entreprise de technologie financière issue d’Alibaba, de mener à bien son introduction en bourse prévue à Hong Kong et à Shanghai. Le gouvernement a également déclaré qu’il enquêterait sur Alibaba pour d’éventuels abus de position dominante. Le gouvernement chinois prépare une nouvelle loi majeure sur la protection de la vie privée qui limitera les données que les entreprises peuvent collecter et utiliser, mais qui renforcera également l’accès de l’État aux données pour l’application de la loi et la surveillance. Certains travaux en cours à la BAAI reflètent cette nouvelle ère.
