L. Bardon . – En novembre 2017 le président russe Vladimir Poutine approuvait un plan visant à créer un Internet indépendant d’ici le 1er août 2018 à destination des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Pendant des années, la Russie, la Chine et d’autres pays se sont plaints de la façon dont Internet était gouverné. En tant que membres du GAC, s’ils votent sur des propositions, ils ne peuvent pas opposer leur veto aux décisions prises par l’Internet Engineering Task Force, un groupe international indépendant de concepteurs de réseaux, d’opérateurs et de chercheurs qui supervisent l’architecture d’Internet et son fonctionnement. Il y a aussi la question de l’influence de la Russie et de la Chine sur les pays en développement vis-à-vis de leur mise en ligne. Ces pays devront décider s’ils optent pour un Internet modelé d’après les systèmes américain et européen, qui valorisent un modèle d’information ascendant et gratuit, ou s’ils dupliqueront les systèmes chinois et russe, qui adoptent une approche plus restrictive et descendante.
Le Kremlin érode la liberté sur Internet depuis 2012. Alors que les élections législatives russes se sont déroulées du 17 au 19 septembre, le Kremlin a intensifié la censure. Il a exigé que les mots-clés associés à l’opposition soient bloqués sur Google et Yandex, le géant national de la recherche, et que Google et Apple expulsent de leurs magasins d’applications une application créée par l’opposition.
Une loi de 2014 a permis au régulateur des télécommunications, Roskomnadzor, de bloquer l’accès aux médias en ligne qui appelaient à des « événements publics de masse non sanctionnés. » En 2016, Poutine a signé un projet de loi obligeant les entreprises de télécommunications à stocker les messages texte et les appels téléphoniques de leurs clients pendant six mois. Cette loi a servi de prétexte pour interdire Telegram, une plateforme créée par l’excentrique développeur d’origine russe Pavel Durov, qui fait office de messagerie instantanée et de plateforme de médias sociaux.
La Russie est souvent assimilée à la Chine comme une autocratie gênante. Une idée fausse courante liée à cette comparaison est que la Russie a toujours eu un internet farouchement censuré. Mais contrairement à l’internet chinois, qui a été construit dès le départ pour ne pas dépendre des entreprises ou des utilisateurs occidentaux, l’internet russe s’est largement développé librement à partir du milieu des années 90.
Les libertés en ligne ont commencé à s’effilocher un mois après l’entrée en fonction de Poutine en 2012. La Douma russe (la chambre basse de l’Assemblée fédérale) a commencé à rédiger un projet de loi sur la restriction de l’internet qui, selon les législateurs, était nécessaire pour protéger les mineurs contre les contenus pédopornographiques, les marchés de la drogue en ligne et les contenus encourageant l’automutilation. En pratique, cette loi permet aux autorités gouvernementales de créer une liste noire de l’internet.
Tout comme le Kremlin fait pression sur Facebook, Google et Twitter, il encourage les substituts locaux comme RuTube, une alternative à YouTube appartenant à la compagnie gazière d’État. La loi exige que les téléphones Android soient préchargés avec 16 applications russes, dont l’application de médias sociaux VK et le moteur de recherche Yandex, tandis qu’Apple est tenu d’inviter les Russes à télécharger ces applications lors du processus de configuration des nouveaux iPhones. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un plan visant à permettre aux autorités de mieux contrôler les plateformes en ligne afin d’empêcher la diffusion de contenus hostiles au Kremlin.
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