Devrions-nous être propriétaires de nos données biologiques ?

La monétisation de nos données personnelles nous échappe en grande partie. Elle profite aux entreprises qui ont su mettre en place un cercle économiquement vertueux dont la source est la donnée. Plus elles disposent de données, meilleurs sont leurs produits ; meilleurs sont leurs produits, plus elles collectent de données ; plus elles collectent de données, plus elles attirent les talents ; plus elles attirent les talents, meilleurs sont leurs produits.

Il y a seulement 10 ans, les entreprises les plus puissantes du monde étaient des compagnies pétrolières et des banques. Maintenant ce sont celles qui détiennent nos données. La valorisation boursière des GAFA représente environ 2 000 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la France. Tencent, en Chine, c’est 500 milliards de dollars. Dans l’économie actuelle, la valeur est dans l’algorithme.

Ces entreprises recueillent les données en nous observant le plus possible, via nos recherches Facebook ou Google, la durée pendant laquelle ma souris se déplace dans une partie de l’écran… En associant ces données à celles de millions d’autres, ces plateformes découvrent des “patterns” cognitifs qui leur permettent de définir qui vous êtes et ce que vous êtes susceptibles d’acheter. Cette numérisation d’une partie de notre connectome est très rentable. Mais nous n’en sommes qu’à la première phase. Dans les prochaines années, des experts prévoient la convergence de plusieurs disciplines (data mining, IA, psychologie, marketing, économie…) additionnée à l’augmentation exponentielle du nombre de capteurs que nous introduisons progressivement partout dans le monde physique. Nos appareils s’améliorent rapidement de fait dans la détection des expressions faciales, l’interprétation de la parole et l’analyse des signaux physiologiques. Ils identifieront et interpréteront encore mieux nos empreintes cognitives, quand déjà émergent des scandales sur la façon dont sont utilisées les données que nous donnons sans le savoir à des acteurs tels que Cambridge Analytica ou Palantir qui les utilisent pour influer sur les résultats d’élections. La Chine, nation championne orwelienne de la donnée, dont les BATX sont les GAFA du futur, a déjà commencé à extraire les données directement des cerveaux de certains travailleurs à l’échelle industrielle pour détecter les changements dans l’état émotionnel des employés de la chaîne de production, de l’armée et des conducteurs de trains à grande vitesse.

Pour augmenter la rentabilité financière de nos données, ces géants technologiques se sont surtout lancés dans une course à l’intelligence artificielle (IA). Pour Google, par exemple, l’IA est une opportunité commerciale sans précédent de maximiser ses revenus publicitaires, un cheval de Troie pour attaquer tous les secteurs d’activité y compris celui de la santé. Au sein de la Silicon Valley “Immortality is the new IT”. La santé devient un problème de données. Tous les milliardaires intellectuels de la Silicon Valley donnent des milliards à la lutte contre la mort. Parce que ça va leur rapporter très gros et parce qu’ils sont un peu mégalomanes. Selon une étude récente, le marché de la médecine régénérative aujourd’hui estimé à 18 milliards d’euros, devrait atteindre 130 milliards d’euros d’ici 2025. Un marché estimé nécessairement porteur puisque le nombre de personnes âgées de 85 ans ou plus devant augmenter de 351% entre 2010 et 2050. Alphabet, par exemple, travaille donc déjà sur des technologies qui combinent, génomique, big data, et la puissance de superordinateurs et d’algorithmes d’IA. L’objectif avoué est de briser le “code” de la génomique humaine pour faire passer notre système de santé d’un modèle curatif à un modèle prédictif ; les données de santé étant au cœur des services qui seraient proposés. Quoi de mieux pour rendre des utilisateurs captifs que d’augmenter leur santé!

L’augmentation de la valeur économique liée à la numérisation croissante de nos données biologiques ne devrait pas être uniquement captée par des entreprises qui en bénéficient sans réelle contrepartie. Notre société va devoir tôt ou tard proclamer une convention de Genève de la neuroéthique pour protéger ses citoyens contre les dérives d’acteurs privés qui en tirent tous les bénéfices. Imaginez les immenses questions que poseraient la possibilité d’enregistrer une partie de nos souvenirs (cf. épisode de Black Mirror) et de choisir de transmettre volontairement à nos descendants/entreprises/associations ceux que nous souhaitons en pouvant contrôler l’accès ?

La solution existe et s’appelle X-road. Il s’agit d’une technologie créée par l’Estonie il y a 20 ans dont le but est de permettre à ses citoyens de pouvoir accéder depuis n’importe où à n’importe quel service en ligne, gratuitement, de façon ultra sécurisée, et que toutes leurs données soient accessible de façon transparente et maîtrisée (car soumise à l’approbation citoyen qui redevient propriétaire de ses données) à toute organisation (entreprise, centre de recherche, hôpital, laboratoire, association…). Pour se positionner dans une course où la Chine et les Etats-Unis sont parties en tête, l’Europe n’a pas d’autre choix que de s’appuyer sur son marché domestique en proposant un compromis innovant qui permettrait de lutter contre notre propension à toujours choisir gratuité et facilité d’utilisation plutôt que vie privée, et permettre aux utilisateurs de monétiser ses données tout en gardant la valeur (au moins en partie) et donc la propriété.

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Fondateur paris-singularity.fr👁️‍🗨️Entrepreneur social trackant les deep techs

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