« L’économie de l’attention » est souvent utilisée pour considérer notre attention en tant que ressource limitée au centre de l’écosystème informationnel. Il s’agit aussi d’un récit utile décrivant un monde où l’information est surabondante, et où nos appareils et applications sont intentionnellement conçus pour nous rendre accros. Outre notre propre bien-être mental, l’économie de l’attention offre un cadre pour envisager certains problèmes sociaux importants : du déclin inquiétant des mesures d’empathie à la » militarisation » des médias sociaux. Notre attention doit être appliquée au service d’un but duquel les médias sociaux et d’autres maux cherchent à nous détourner. Notre attention, lorsque nous n’arrivons pas à l’utiliser pour servir nos propres objectifs, devient un outil à utiliser et à exploiter par les autres.
Cependant, considérer l’attention comme une ressource est réducteur. L’attention est ce qui nous connecte avec le monde extérieur, d’une manière plus » exploratoire « , en étant vraiment ouverts à tout ce que nous avons devant nous. Traiter l’attention comme une ressource ne nous raconte que la moitié de l’histoire globale. Selon le psychiatre et philosophe britannique Iain McGilchrist, les hémisphères gauche et droit du cerveau nous » livrent » le monde de deux façons fondamentalement différentes. Le problème est donc double. Tout d’abord, le déluge de stimuli en compétition pour attirer notre attention nous dirige presque certainement vers la gratification instantanée. Deuxièmement, en plus de cela, un récit sur l’économie de l’attention, malgré toute son utilité, renforce une conception de l’attention en tant que ressource, plutôt que de l’attention en tant qu’expérience.
Nous pouvons imaginer un scénario dans lequel nous perdrions graduellement le contact avec l’attention en tant qu’expérience. L’attention deviendrait uniquement une chose à utiliser, un moyen de faire avancer les choses, quelque chose dont on peut extraire de la valeur. Bien qu’un tel résultat soit extrême, de plus en plus indices montrent que les psychés modernes vont dans cette direction. Heureusement, aucune société n’a encore atteint ce niveau de dystopie. Mais face à un flot de requêtes pour capter notre attention et de récits qui nous invitent à la traiter comme une ressource à exploiter, nous devons travailler à maintenir en équilibre nos modes d’attention instrumental et exploratoire.