Et si l’économie de la 4e révolution industrielle était inédite ?

Selon certains économistes la prochaine révolution “industrielle” sera à l’image des précédentes ; elle n’engendrera pas de chômage à grande échelle puisque le travail sera progressivement déplacé et donc réalloué. Cependant, de nombreux experts en technologies sont moins optimistes quant aux implications de l’intelligence artificielle (IA) pour l’emploi. Selon eux, des disruptions rapides et simultanées conjuguées à l’ampleur des capacités humaines que l’IA pourrait reproduire, pourraient avoir de profondes répercussions sur les marchés du travail.

Robotique : va-t-elle augmenter ou détruire le travail ?

Par le passé, le progrès technologique a toujours augmenté le travail. Est-ce que cela signifie pour autant que cette règle autodéclarée reste vraie dans le futur ? A mesure que la productivité manufacturière a augmenté et que les emplois en usines ont disparu, l’augmentation du PIB par habitant a nettement augmenté le nombre d’emplois créés, généralement dans le secteur des services. Si les avancées en robotique commençaient à automatiser en masse des emplois, ceux s’appuyant sur des traits humains tels que la créativité, l’intelligence émotionnelle et les compétences sociales (y compris l’enseignement, le mentorat, les soins infirmiers et les soins sociaux, par exemple) pourraient alors devenir plus nombreux.

Cependant, de nombreux experts en technologies estiment que la prochaine révolution industrielle sera différente. Ils considèrent que l’adoption massive de robots et systèmes d’IA pourraient disrupter de nombreuses industries plus ou moins simultanément, ne laissant ni à l’économie, ni à la société le temps d’absorber les changements. Les progrès technologiques pourraient être tels que, soudain, la plupart sinon toutes les fonctions humaines fondamentalement utilisées dans le travail manuel (assemblage, levage, marche, interaction humaine, etc.) pourraient être réalisées plus efficacement et à moindre coût par des machines. Ces dernières étant capables de travailler continuellement à un coût marginal minimal.

Est-ce différent cette fois ?

Dans quelle mesure l’automation induite par la 4e révolution industrielle est-elle différente des précédentes ? Comment pourrait-elle empêcher que les progrès technologiques n’accroissent le travail, du moins à court et à moyen terme ? La principale différence est la vitesse et l’adoption de ces progrès technologiques.

L’expert en technologies, Hermann Hauser, a listé 9 nouvelles technologies de pointe de rupture, apparues au cours des 19 premiers siècles, avec des applications de masse. Il s’agit notamment de l’imprimerie, du système industriel, de la machine à vapeur, des chemins de fer, du moteur de combustion et de l’électricité. Ces technologies de rupture, par définition, disruptent les modèles commerciaux existants et engendrent souvent des pertes en masse d’emplois au sein des industries directement touchées. Par exemple, les chemins de fer ont remplacé le cheval et les calèches, ce qui a entraîné des pertes d’emplois comme cocher, garçon d’écurie, maréchal-ferrant et constructeurs de voitures. La plupart de ces technologies de rupture ont mis plusieurs décennies à devenir scalables, en partie en raison de l’importance des investissements requis. Il restait donc suffisamment de temps pour que l’économie s’y adapte, évitant ainsi les périodes de chômage de masse.

Mais le rythme auquel progresse les technologies a rapidement augmenté depuis le 19ème siècle. Hermann identifie 8 technologies de rupture au 20ème siècle. Il s’agit notamment des automobiles, des avions, de l’informatique, d’Internet, de la biotechnologie et des nanotechnologies. Les innovations les plus récentes ont progressé beaucoup plus rapidement et à moindre coût. Elles ont également vu l’émergence de géants technologiques ; la capitalisation boursière combinée d’Apple, Google, Microsoft, Amazon et Facebook étant actuellement d’environ 2½ trillions de dollars. Plus ces nouvelles vagues de technologie émergent vite moins leur implémentation est coûteuse, plus elles sont déployées, plus leur diffusion est rapide, plus le taux de perte d’emplois est rapide et moins l’économie mondiale a le temps de s’adapter pour créer des emplois au sein de secteurs pas encore touchés par les technologies de rupture. Et certaines technologies évoluent à la vitesse de l’éclair. Les ordinateurs par exemple. Au cours des 40 dernières années, ils sont passé de simples calculatrices des applications comme les Smartphones, les voitures autonomes, les robots ou l’Internet des objets. 

Comment les nouvelles technologies de rupture pourraient-elles affecter l’économie dans le futur ? Le secteur de la vente au détail et de la distribution compte actuellement plus de cinq millions d’emplois aux Etats-Unis. Dans quelques années, la plupart des biens de consommation pourront être commandés en ligne et livrés par des véhicules autonomes ou des drones. Les entrepôts au sein desquels les marchandises sont stockées pourraient aussi être presque entièrement automatisés. Les magasins pourraient aussi en grande partie disparaître.

Combien de temps reste-t-il avant que la robotique ne commence à disrupter l’économie ?

Le moment et l’ampleur de ces changements structurels pour l’économie sont extrêmement difficiles à prévoir. Mais la rapidité avec laquelle les économies développées adoptent les technologies robotique peut être accélérée via l’action politique au sein de nombreux pays qui cherchent à réduire les inégalités de revenus dans la société, comme l’augmentation des salaires minimums, ou l’incitation via la R & D et les dépenses en capital dans les machines et systèmes d’automatisation.

La démographie est un autre facteur de stimulation de l’investissement mondial dans les technologies robotiques. Prenez le Japon. Sa population est en déclin depuis 2010, du fait d’une immigration faible et d’une baisse des taux de fécondité depuis les années 1970. La population (et la main-d’œuvre) devrait diminuer d’1/5 au cours des 50 prochaines années. Raison pour laquelle le gouvernement japonais motive fortement les investissements dans les technologies de l’automatisation.

Apprentissage machine (machine learning) et intelligence artificielle

Les experts en technologies font de grands progrès dans le développement de machines capables de rivaliser avec l’intelligence humaine sur certaines tâches spécifiques. AlphaGo a récemment battu l’un des meilleurs joueurs du monde du jeu de “Go”, jeu réputé avant comme étant le dernier bastion. Une partie moyenne ayant un nombre presque infini de résultats, le système d’IA doit imiter des compétences cognitives comme l’intuition et la stratégie, plutôt que de compter uniquement sur une force brute de calcul pour analyser toutes les séquences de mouvements plausibles. Les chercheurs sont convaincus que l’IA va bientôt s’appliquer à des pans entiers de l’économie.

Conclusion

Les experts technologiques partout dans le monde s’inquiètent de plus en plus du manque de préparation des économies développées vis-à-vis de la prochaine révolution industrielle. Cette dernière pourrait engendrer le déplacement de millions d’emplois, l’échec de nombreuses entreprises qui tardent à s’adapter, une forte augmentation de l’inégalité des revenus dans la société et une concentration industrielle croissante associée à la croissance rapide d’un nombre restreint d’ogres technologiques.

Les économistes qui ne regardent que dans le rétroviseur des révolutions industrielles antérieures constatent qu’aucun de ces risques ne s’est produit auparavant. Mais c’est sous-estimer la nature très différente du tsunami technologique en cours, du fait de son impact très large en termes d’applications industrielles et professionnelles et de sa rapidité de diffusion.

source (Mauricio Armellini, Bank Underground / Tim Pike, Deputy Agent, Bank Underground)

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