GAFA : et s’il était temps de « casser » le contrôle exercé par les barons des données ?

Les modèles d’affaires de Facebook, Google et Amazon les poussent à recueillir un maximum de données pour alimenter leurs algorithmes. Ces géants technologiques tirent leur pouvoir de cette information. La profusion de leurs services, souvent fournis gratuitement, les a rendus immensément populaires et les a transformés en entreprises dont la valeur est parmi la plus élevée au monde. Leur capitalisation boursière combinée de quelque 2 mille milliards de dollars à la fin mai était à peu près équivalent au PIB de l’Italie. Aujourd’hui, cependant, les débats battent leur plein des deux côtés de l’Atlantique sur la manière de faire face à leur domination.

Comme les barons du pétrole au tournant du XXe siècle, les barons des données sont déterminés à extraire le plus possible d’une ressource qui est au cœur de l’économie de leur époque. Plus ils peuvent obtenir d’informations pour alimenter les algorithmes qui alimentent leurs machines de ciblage publicitaire et les moteurs de recommandation de produits, mieux c’est. En l’absence d’une concurrence sérieuse ou de sérieuses contraintes juridiques sur le traitement des données à caractère personnel, les GAFA vont continuer à porter atteinte à la vie privée dans leurs efforts constants pour en savoir autant que possible sur leurs utilisateurs. La domination exercée par ces entreprises leur permet de jouer un rôle dangereux et hors normes dans notre politique et notre culture. Les géants du web ont contribué à saper la confiance dans la démocratie en minimisant la menace que représentent les trolls russes et autres fournisseurs de propagande. Facebook et Google ont créé de nouveaux outils pour identifier la désinformation, mais l’efficacité de ces outils n’est pas encore clairement établie.

Le pouvoir économique considérable acquis par les GAFA a créé des bouleversements dans certaines industries et étouffé l’innovation dans les domaines qu’ils dominent. Facebook et Google constituent maintenant un duopole de la publicité numérique : ils empochent 3 dollars sur 4 dépensés en publicité numérique en Amérique, et ils contrôlent 84% cent des dépenses mondiales pour de telles publicités, à l’exclusion de la Chine. Google contrôle près de 80% des revenus publicitaires liés à la recherche en Amérique et a une part énorme dans de nombreux autres pays. Amazon, quant à elle, représente plus de 83 % des ventes de livres électroniques aux États-Unis et près de 90 % des ventes de livres. Leurs plates-formes donnent aux barons des données un contrôle sans précédent sur ce que nous voyons, lisons et achetons. Le pouvoir des barons des données rend les startups extrêmement réticentes à les défier, et les investisseurs en capital-risque se méfient de soutenir les quelques francs-tireurs qui le font. Ce n’était pas censé se passer comme ça. En abaissant les barrières à l’entrée et en permettant aux consommateurs de changer de services en quelques clics de souris, Internet, à ses débuts, semblait conçu pour s’assurer que les empires numériques seraient rapidement assiégés par des flottes de jeunes entreprises rebelles. Pourquoi cela ne s’est-il pas produit ? Une partie de la réponse réside dans l’une des phrases préférées de la Silicon Valley : « Effets de réseau. »

De nombreux produits et services en ligne ont de plus en plus de valeur à mesure que de plus en plus de gens les utilisent. Pourquoi les régulateurs antitrust n’ont-ils pas bloqué des accords pour promouvoir la concurrence ? C’est principalement en raison d’un changement de la philosophie antitrust américaine dans les années 1980, inspiré par des économistes néoclassiques et des juristes de l’Université de Chicago. Avant ce changement, les autorités antitrust se méfiaient de toute transaction qui renforcerait la position dominante d’une entreprise. Par la suite, ils sont devenus plus tolérants à l’égard de ces combinaisons, tant que les prix à la consommation n’augmentaient pas. C’était exactement ce dont avaient besoin les géants du web puisque la plupart de leurs services étaient de toute façon gratuits. Une autre raison de l’échec à postériori des responsables antitrust réside dans le fait qu’ils n’aient pas vraiment apprécié la façon dont les effets de réseau allaient engendrer des positions dominantes sur le marché. Les GAFA ne correspondent plus au stéréotype des monopoles rapaces qui faisaient monter les prix et réduisaient les investissements. Ils manipulent les marchés d’une manière différente et peut-être davantage bienveillante ? Comment pourrions-nous limiter la puissance des barons dse données ?

Plutôt que d’attendre des batailles juridiques, nous devons trouver d’urgence d’autres moyens en réduisant le vaste fossé entre les quantités d’informations détenues par les géants du web et les autres. De plus en plus, les assistants à commande vocale alimentés par l’IA que ces entreprises construisent seront dans nos voitures, nos maisons et nos bureaux, ainsi que sur nos téléphones. Nous attendons d’eux qu’ils fournissent la réponse à toutes nos questions, plutôt que simplement les suggestions qui nous sont souvent servies aujourd’hui. Les entreprises dont les algorithmes décident quelles seront ces réponses auront une influence encore plus puissante sur nos vies et sur l’économie mondiale. Et pour s’assurer qu’ils conservent leur position dominante, les GAFA vont bientôt aspirer encore plus des données liées à notre vie.

La suite ici (Martin Giles)

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Fondateur paris-singularity.fr👁️‍🗨️Entrepreneur social trackant les deep techs

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