Le 21e siècle sera celui du web3, pas celui de la Chine ni des Etats-Unis

deep tech innovation Internet Web3 géopolitique blockchain
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Technologie sans conscience n’est que ruine de l’Homme.

Pourquoi cet article est intéressant ?  L. Bardon . – Lors du lancement du bitcoin en 2009, les caractéristiques uniques de la technologie sous-jacente, la blockchain, n’ont pas été pleinement appréciées. D’une part, il s’agit (notamment) d’un logiciel libre. Son code source est donc légalement et librement disponible pour les utilisateurs qui voudraient l’utiliser pour créer de nouveaux produits et services. D’autre part, elle facilite l’exploitation décentralisée des services qui en dépendent. Le contrôle des services construits sur la blockchain n’est donc pas entre les mains d’un individu, d’une entreprise ou d’un Etat, mais implique toutes les personnes connectées au réseau. Si historiquement les normes ouvertes peinent généralement à générer des revenus substantielles pour les créateurs, la blockchain et les cryptomonnaies qui s’appuient dessus semblent avoir changé la donne. Le nombre de créateurs de NFT augmente. Le nombre de portefeuilles actifs augmente. Le nombre de transactions par jour augmente. Le nombre de ventes secondaires augmente. La valeur marchande des franchises NFT augmente. Etc…

✅ L’identité numérique, qui fait défaut dans la plupart des pays africains, est la première étape d’une véritable inclusion financière, dont il a été démontré qu’elle présente de nombreux avantages.  En avril dernier, le gouvernement éthiopien a confirmé avoir signé le plus gros contrat blockchain jamais signé par un gouvernementun pour créer une base de données nationale d’identifiants pour les étudiants et les enseignants en utilisant une solution d’identité numérique décentralisée. L’accord prévoit la fourniture d’identifiants à 5 millions d’étudiants répartis dans 3 500 écoles, qui seront utilisés pour stocker les dossiers scolaires.

❌Les monnaies soutenues par le gouvernement dominent le monde aujourd’hui. Si les monnaies numériques privées commencent à concurrencer les monnaies nationales, cela pourrait rendre certaines d’entre elles plus volatiles. Il y a presque 200 ans, il s’est passé un phénomène assez similaire aux Etats-Unis. En 1830, 90 % de la masse monétaire américaine était constituée de billets de banque privés. A l’époque de Libra, Facebook a déclaré que nous pourrions acheter du Libra en utilisant les monnaies locales. Il aurait pu en résulter une version moderne du type de volatilité des prix que les monnaies privées ont provoqué aux États-Unis dans les années 1830. L’impopularité et le chaos produits par ce système a influé sur la décision du gouvernement, quelques décennies plus tard, de le remplacer par un système bancaire national. De ce chaos, est né le dollar et sa domination.


Synthèse

Le politologue Ian Bremmer affirme que les géants technologiques vont remodeler l’ordre mondial, tandis que le chroniqueur Stephen Walt estime que les États resteront prédominants. Or, non seulement la technologie a déjà modifié l’ordre mondial, mais elle est également en train de changer la nature des entreprises et des États eux-mêmes. Le XXIe siècle n’appartient donc ni à la Chine ni aux États-Unis, ni aux entreprises technologiques telles qu’on les conçoit traditionnellement ; mais à l’Internet du futur : le web3.

La montée en puissance de protocoles décentralisés s’appuyant sur la blockchain constitue un défi lancé à la géopolitique traditionnelle et remodèle doucement mais sûrement le monde physique :

  1. La proximité numérique est désormais équivalente à la géographie physique : il ne s’agit pas simplement d’une couche de données mais d’un nouveau type de géographie comparable en termes de portée au monde physique. Pensez-y comme à une Atlantide numérique, un nouveau continent flottant dans le cloud où les anciennes puissances s’affrontent et où de nouvelles puissances apparaissent. Dans ce continent immatériel, l’unité de distance entre deux personnes n’est pas le temps de trajet entre leurs positions sur le globe, mais plutôt les degrés de séparation dans leurs réseaux sociaux.
  2. Les monnaies nationales seront confrontées à la concurrence de monnaies numériques : prenez ce qu’il s’est passé avec les journaux qui étaient traditionnellement distribués à domicile ou achetés dans des kiosques. Ils ont migré sur Internet. Puis, Google News les a tous indexés. Les journaux locaux ont alors constaté que leurs monopoles géographiques s’étaient évaporés. Les monnaies nationales risquent de connaître le même sort.
  3. .L’adoption massive du télétravail a désiloté le marché de talents : des pays aussi divers que l’Estonie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, Taïwan, le Portugal, les Émirats arabes unis et le Chili se disputent les talents nouvellement mobiles au moyen de « visas nomades » et d’autres programmes similaires.
  4. Les bits remodèlent les atomes : si l’on pense aux drones, à la robotique, aux voitures autonomes, aux interfaces cerveau-machine, aux passeports vaccinaux, aux outils d’édition génétique comme CRISPR et aux vaccins à ARNm, ainsi qu’au retour de l’énergie nucléaire, à la course à l’espace et aux avions supersoniques, on assiste enfin à un regain d’innovation dans le monde physique. Une fois que quelque chose fonctionne en ligne, il peut être « imprimé » n’importe où  à grande échelle plus rapidement que jamais.
  5. Les régulateurs du cloud sont en train de supplanter les régulateurs étatiques. Prochaine étape : la décentralisation complète basée sur le Web3, des places de marché en ligne et des services de l’économie du partage. Ces nouvelles formes de réglementation transnationale, où les utilisateurs d’applications ont un intérêt – et un droit de regard – dans la façon dont leurs plateformes sont gérées, s’étendront au-delà des crypto-monnaies pour englober l’échange d’autres biens et services de pair à pair. Les protocoles cryptographiques permettent à des millions de participants actifs de développer des mécanismes de régulation décentralisés qui évitent à la fois les dangers des régulateurs étatiques et des autorégulateurs d’entreprise. Ce n’est qu’une question de temps avant que des entités numériques n’apparaissent pour réguler de façon décentralisée d’autres industries que celle des crypto-monnaies. Contrairement aux régulateurs nationaux actuels, limités géographiquement, ces nouveaux types d’organismes de régulation seront véritablement mondiaux.
  6. Les droits de propriété sont devenus des cryptomonnaies :lLa conception de l’État comme gardien légitime de la propriété privée remonte au moins aux philosophes Thomas Hobbes et John Locke. Mais les cryptomonnaies remettent en cause cette conception en établissant un modèle de propriété numériques en dehors de l’État.
  7. Le droit commercial international est en train de devenir la règle du code : les « petits » pays veulent éviter de se retrouver à la merci d’une puissance (les États-Unis) qui n’accorde au droit international qu’un intérêt de pure forme et d’une autre puissance (la Chine) qui ne le fait même pas. Ces « petits » pays pourraient donc se tourner de plus en plus se tourner vers la « règle du code ». En effet, les blockchains Bitcoin et Ethereum sont les mêmes pour tous et fonctionnent de la même manière. La propriété intellectuelle y est déjà codifiée ce qui apporte de la transparence et simplifie un processus juridique historiquement complexe et fragmenté. Certes nous n’en sommes qu’au début. Mais le droit international exécutoire pourrait devenir synonyme de contrats intelligents décentralisés, du moins dans le contexte du commerce international.
  8. Le Web3 s’attaque aux inégalités mondiales en partageant la récompense et le risque : Les protocoles Web3 répartissent la récompense et le risque inhérent à la conception d’un service technologique géant entre les mains de millions de détenteurs d’actifs volontaires. En d’autres termes, si les quelque 5 000 milliards de dollars de capitalisation boursière totale d’Alphabet, Meta, Apple, Amazon et Microsoft étaient répartis entre un milliard d’utilisateurs pour leur donner environ 5 000 dollars chacun, le rapport de force serait plus équilibré. La majeure partie du financement des protocoles Web3 ne provient pas d’entreprises technologiques établies. De plus, avec l’essor de la finance décentralisée, il existe de plus en plus de mécanismes de financement permettant aux personnes intelligentes sans argent de trouver des personnes intelligentes avec de l’argent pour construire des outils qui permettent à tous de gagner de l’argent. De fait, le Web3 peut ainsi ccomplir ce qu’aucune action antitrust ne pourrait faire.
  9. Les entreprises, les villes, les monnaies, les communautés et les pays deviennent tous des réseaux : nous avions l’habitude de considérer les livres, la musique et les films comme distincts. Puis ils ont tous été dématérialisés et envoyés sur l’internet. Nous devrions donc commencer à considérer les groupes de personnes – qu’il s’agisse de communautés, de villes, d’entreprises ou de pays – de la même manière. Les gouvernements physiques peuvent, par exemple, s’intégrer aux réseaux numériques, et les entreprises peuvent fonctionner comme des applications sur la blockchain dédiée d’une ville-état. La Bitcoin City du Salvador, la loi sur les organisations autonomes décentralisées (DAO) du Wyoming et les projets comme MiamiCoin et NYCCoin constituent les premiers signes de cet avenir.
  10. Le pouvoir se décentralise progressivement : environ 75 % de la population mondiale, plus de 60 % du PIB mondial et près de 50 % des milliardaires ne sont ni chinois ni américains. Avec l’essor des protocoles décentralisés, de nombreux États intermédiaires pourraient décider d’utiliser le Bitcoin, l’Ethereum et d’autres blockchain pour créer des canaux de communication et de transaction financière résistants à la Chine et aux États-Unis. En d’autres termes les pays pourraient utiliser des protocoles neutres pour les transactions et les communications internationales.

La suite ici (Parag Khanna, Balaji S. Srinivasan)

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