Après environ 70 ans, l’informatique se trouve à un moment crucial. Les anciennes approches, basées sur la technologie CMOS et l’architecture de von Neumann, atteignent leurs limites fondamentales. Pendant ce temps, des efforts massifs dans le monde entier pour comprendre le fonctionnement du cerveau humain donnent de nouvelles idées à l’un des plus grands mystères scientifiques : la biologie de la cognition humaine.
Aujourd’hui, de nombreux projets tentent de construire le meilleur modèle possible du cerveau : la Brain Initiative aux Etats-Unis et le Humain Brain Project en Europe auxquels s’ajoutent les efforts d’organismes privés tels que ceux de l’Allen Institute for Brain Science de Seattle. Ces initiatives impliquent des centaines de chercheurs et s’appuient sur des milliards de dollars et nous conduisent vers une nouvelle génération de pionniers qui espèrent créer des machines réellement pensantes.
De telles machines vont par exemple améliorer également notre santé. Imaginez un dispositif, qu’il s’agisse d’un robot ou de votre téléphone portable, qui conserve vos dossiers médicaux. En combinant ces données personnelles avec un modèle sophistiqué de tout ce qui régule le corps humain, ce dispositif pourrait simuler des scénarios et recommander des comportements ou des actions médicales personnalisés. Un médecin humain ne peut corréler que quelques variables à la fois, mais une telle application pourrait en analyser et considérer des milliers. Ce serait plus efficace et plus personnel que n’importe quel médecin.
Recréer les processus de notre cerveau nous permettra d’automatiser tout ce que les humains sont capables de faire aujourd’hui. Sans que nous ne produisions d’effort réellement conscient, nous comprenons le langage et saisissons les nuances de sens et d’humeur que nous révèlent des indices subtils liés au langage corporel, à l’expression du visage et au ton de la voix. Et le cerveau fait tout cela en consommant étonnamment peu d’énergie. Ce morceau de 1,3 kilogramme de tissu neural constitue environ 20% du métabolisme de votre corps. Chacun de nous est équipé de l’équivalent biologique d’un superordinateur de 20 watts. Même les ordinateurs les plus puissants d’aujourd’hui, qui fonctionnent à 20 millions de watts, sont loin de se rapprocher du niveau de perfectionnement de notre cerveau. Comment le cerveau fait-il ?
Il dispose de réseaux massivement parallèles. À chaque niveau, depuis les cellules jusqu’aux grandes régions du cerveau, il existe des boucles de rétroaction qui maintiennent l’équilibre du système et le modifient en réponse à l’activité des unités voisines. Traditionnellement, les neurones étaient considérés comme étant des unités qui collectent des milliers d’informations entrantes, les transforment, puis envoient des signaux en aval d’autres neurones via des connexions appelées synapses. Mais ce modèle est trop simpliste. Une puissance de traitement jusque là insoupçonnée réside en réalité dans toutes les parties du système. Même une synapse unique contient des centaines de types différents de protéines ayant des interactions complexes. Le cerveau ressemble à un ordinateur moléculaire à part entière. Et il existe des centaines de types différents de neurones, chacun jouant un rôle spécifique dans les circuits neuronaux. La puissance du cerveau va bien au-delà des connexions internes. Elle réside aussi dans sa capacité à communiquer avec d’autres cerveaux.
Finalement, nos machines vont penser par elles-mêmes, voir peut-être même devenir artificiellement conscientes. Pour certaines personnes il s’agit d’une perspective effrayante, car si nos machines pensent par elles-mêmes, elles pourraient se tourner contre nous. Et si, au lieu de cela, nous créions des machines qui nous aiment ?