Technologie sans conscience n’est que ruine de l’Homme.
Pourquoi cet article est intéressant ? L. Bardon . – La montée en puissance de protocoles décentralisés s’appuyant sur la blockchain constitue un défi lancé à la géopolitique traditionnelle et remodèle doucement mais sûrement le monde physique.
Les monnaies nationales sont de plus en plus confrontées à la concurrence de monnaies numériques comme le bitcoin. Les journaux, traditionnellement distribués à domicile ou achetés dans des kiosques, ont progressivement migré sur Internet. Puis, Google News les a tous indexés. Les journaux locaux ont alors constaté que leur monopole géographique était devenu caduques. Et si les monnaies nationales connaissaient le même sort? Certaines cryptomonnaies valorisent un droit de propriété numérique. De par leur nature elles remettent donc en cause la conception de l’Etat comme gardien unique et légitime de la propriété privée.
La proximité numérique est désormais équivalente à la géographie physique : il ne s’agit pas simplement d’une couche de données mais d’un nouveau type de géographie comparable en termes de portée au monde physique. L’adoption massive du télétravail a désiloté le marché de talents : des pays aussi divers que l’Estonie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, Taïwan, le Portugal, les Émirats arabes unis et le Chili se disputent les talents nouvellement mobiles au moyen de “visas nomades” et d’autres programmes similaires. Les protocoles Web3 s’attaquent aussi aux inégalités mondiales en redistribuant la récompense et le risque. En d’autres termes, si les quelque 5 000 milliards de dollars de capitalisation boursière totale d’Alphabet, Meta, Apple, Amazon et Microsoft étaient répartis entre un milliard d’utilisateurs pour leur donner environ 5 000 dollars chacun, le rapport de force serait plus équilibré. C’est la promesse implicite (et utopique ?) du web3.
Le présent est la bêta version du futur.
Synthèse
Pour les évangélisateurs du Web3, il s’agirait d’une révolution ; pour les sceptiques, c’est un château de cartes, un phénomène de mode qui ne résisterait pas à un examen approfondi. Si le débat sur le Web3 (et sur les crypto-monnaies et les NFT) est si vif, c’est en partie parce que nous n’en sommes qu’au début.
Comme vous vous en souvenez peut-être si vous avez un certain âge, le Web 1.0 fut l’ère des pages Web statiques. Les sites affichaient des actualités et des informations. Vous pouviez aussi être propriétaire de votre propre petit coin du World Wide Web pour présenter vos intérêts personnels et vos passe-temps. Les images étaient déconseillées – elles consommaient trop de bande passante – et la vidéo était hors de question.
À l’aube du XXIe siècle, le Web 1.0 a cédé la place au Web 2.0, un Internet plus dynamique, plus facilement modifiable et davantage centrée utilisateur. Le statique a disparu et les pages Web sont devenues plus interactives et plus proches des applications. Beaucoup d’entre nous se sont inscrits sur des comptes de médias sociaux et des blogs qu’ils ont utilisés pour diffuser leur propre contenu sur le web en grande quantité. Les images et les vidéos ne réduisqnt plus les sites à néant, nous avons commencé à les partager en grand nombre.
L’aube du Web3 est maintenant à nos portes. Les gens le définissent de différentes manières, mais l’idée de décentralisation est au cœur de ce concept. Plutôt que de laisser Google, Apple, Microsoft, Amazon et Facebook tout accaparer, l’internet est censé se démocratiser.
La clé de cette décentralisation est la technologie blockchain, qui crée des registres d’enregistrement publiquement visibles et vérifiables, accessibles à tous et partout. La blockchain est déjà à la base du bitcoin et d’autres crypto-monnaies, ainsi que d’un certain nombre de technologies naissantes, et elle est étroitement imbriquée dans la vision future de tout ce que promet Web3. L’idée maitresse est que tout ce que vous faites, des achats aux médias sociaux, soit traité par les mêmes processus sécurisés, avec à la fois plus de confidentialité et plus de transparence.
D’une certaine manière, le Web3 est un mélange des deux époques qui l’ont précédé : la technologie avancée, dynamique et semblable à une application du web moderne, combinée à la philosophie décentralisée et axée sur l’utilisateur qui existait au début de l’internet, avant que des sociétés valant des milliards et des trillions de dollars ne possèdent tout. Le Web3 déplace la dynamique du pouvoir des entités technologiques géantes vers les utilisateurs, du moins en théorie. Dans sa forme actuelle, le Web3 récompense les utilisateurs avec des jetons (tokens), qui seront éventuellement utilisés de diverses manières, notamment comme monnaie ou comme votes pour influencer l’avenir de la technologie. Dans ce nouveau monde, la valeur générée par le web sera partagée entre beaucoup plus d’utilisateurs, plus d’entreprises et plus de services, avec une interopérabilité nettement améliorée.
Bien qu’il soit largement admis que des technologies telles que les NFT et la blockchain sont utiles dans certains scénarios, il y a pour l’instant beaucoup de battage injustifié. Et ce, sans parler de l’impact sur le climat de tous les traitements énergivores qui alimentent certaines crypto-monnaies. Les personnes sceptiques à l’égard du Web3 et des technologies qui y sont associées pourraient dire qu’il existe toujours un risque très réel qu’une grande partie de la richesse et de la valeur générées reste hors de portée de la grande majorité lorsqu’il s’agit de crypto-monnaies, de NFT et du reste du Web3 – de sorte que les riches deviennent encore plus riches. De plus, il convient de noter que bon nombre des méchants du Web 2.0 sont déjà à l’œuvre dans le Web3.
D’un autre côté, de nombreux experts sont enthousiasmés par la puissance et le potentiel du Web3.