Les futuristes et écrivains de science-fiction ont attendu avec « impatience » et excitation l’automatisation du travail, en l’associant à la fin d’un labeur harassant et stressant remplacé par de nombreux loisirs et une liberté personnelle quasi illimitée. Ne vous y trompez pas : si les capacités des machines continuent d’augmenter aussi vite alors que leurs prix diminuent, le prix des objets de consommation qu’ils soient de première nécessité ou pas va diminuer de plus en plus rapidement. La richesse augmentera, à condition qu’elle soit redistribuée équitablement au moins à l’échelle nationale.
En mettant de côté la question de la redistribution des richesses, la disparition généralisée du travail ouvrirait la voie à une transformation sociale qui ne ressemble en rien à ce que l’Homme a déjà traversé. Travailler dur est quasiment une religion aux Etats-Unis depuis sa fondation, c’est le mythe du self-made man. La « sainteté » et la prééminence du travail sont au cœur de la politique, de l’économie et des interactions sociales du pays. Que se passerait-il si le travail disparaissait ?
Nous entrons dans une ère de chômage technologique dans laquelle le nombre d’emplois va constamment diminuer
La population active des Etats-Unis est le fruit de plusieurs millénaires de progrès technologique. La technologie agricole a donné naissance à l’industrie agricole. La révolution industrielle a ensuite déplacé les travailleurs vers des usines. Enfin la mondialisation et l’automatisation ont donné naissance à une nation de services. Si tout au long de ces profondes transformations le nombre total d’emplois a toujours augmenté, ce qui se trame est différent : nous entrons dans une ère de chômage technologique dans laquelle le nombre d’emplois va constamment diminuer.
Certains économistes rétorquent qu’après 300 ans d’innovation à couper le souffle, nous ne sommes pas massivement au chômage ou asservis par les machines. Pour leur répondre d’autres font une analogie avec la défunte carrière de la deuxième plus importante espèce dans l’histoire économique des Etats-Unis : le cheval.
Pendant des siècles, nous avons créé des technologies qui ont rendu le cheval plus productif et plus précieux. On aurait pu supposer que les progrès constants de technologies complémentaires rendraient l’animal plus que jamais indispensable à l’agriculture ou à la guerre ; vous connaissez pourtant la suite. En réalité des inventions ont rendu le cheval complètement obsolète ; le tracteur, la voiture et le tank par exemple. A l’arrivée des tracteurs dans les fermes au début du 20e siècle la population des chevaux et des mules a commencé à décliner, puis elle a chuté de 50% dans les années 30 et de 90% dans les années 50. Bien sûr nous ne sommes pas de chevaux. Nous pouvons faire plus que trotter, tirer ou porter. Mais la plupart des métiers sont encore ennuyeux, répétitifs et facilement appréhendables par des machines dans le futur.
Travailler moins plutôt que ne plus travailler
Aujourd’hui, on a un travail ou on est au chômage. Il n’y a pas de nuance. Le 21e siècle, s’il a moins d’emplois à temps plein du fait de l’automation, pourrait davantage ressembler au milieu du 19e siècle à cet égard : une économie marquée par des emplois épisodiques parmi une gamme d’activités, la perte de l’une d’entre elle ne mettant personne soudainement sur le carreau.
Des théories sur le travail avancent que nous nous définissons en tant que personne en partie au travers de nos emplois, nos carrières ou nos professions. Pour certains le travail est « juste un emploi » ; ils travaillent uniquement pour gagner de l’argent. Pour les carriéristes, ce n’est pas seulement le revenu mais le statut associé aux promotions et la notoriété croissante auprès de leurs pairs qui comptent. Enfin d’autres n’ambitionnent ni un quelconque statut, ni un salaire élevé, ils n’aspirent qu’à l’accomplissement du travail bien fait.
Lorsqu’on pense au rôle que joue le travail dans l’estime de soi la perspective d’un avenir sans travail peut sembler effrayante. Aucun revenu de base universel ne pourra empêcher la ruine civique d’un pays construit sur une poignée de travailleurs qui subventionneraient en permanence l’oisiveté des dizaines de millions d’autres.
Et un futur dans lequel nous travaillerions moins voir beaucoup moins ? Ne serait-ce pas l’idéal ? Parce que la nécessité d’avoir un emploi salarié pour vivre empêche la majorité d’entre nous de découvrir vraiment ce qui nous rend heureux, ce qui mérite/nous donne envie de consacrer du temps et de l’énergie.
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