Les avancées dans des domaines technologiques comme l’intelligence artificielle ou la robotique ont fait émerge la crainte croissante de la généralisation du chômage. Diverses tendances récentes du marché du travail (baisse de la population active aux États-Unis, augmentation des inégalités salariales et de la part du capital dans le revenu national) sont considérées comme des signes avant-coureurs de l’émergence d’un nouveau modèle. La thèse du chômage technologique est régulièrement attaquée par le biais de l’Histoire. Pourquoi, après tout, l’effet de cette nouvelle vague technologique devrait être différent de ce qui s’est déjà produit dans notre Histoire, quand cette dernière montre que la généralisation du chômage ne s’est jamais produite ?
Pourquoi les précédentes prédictions de ce type ne se sont-elles pas réalisées ? Et pourquoi ça devrait être différent cette fois ?
Deux facteurs clé entrent en jeu. D’abord, à mesure que de plus en plus de tâches réalisées par les humains sont confiées à des machines, de nouveaux emplois sont créés. Ensuite, ces nouveaux emplois sont principalement liés à l’émergence de tâches nouvelles et plus complexes pour lesquelles le travail a un avantage vis-à-vis du capital.
Ces deux facteurs clé ont une implication. Nous devrions considérer la dynamique du marché du travail comme étant caractérisée par une course opposant 2 forces technologiques : l’automation du côté des machines, et la création de nouvelles tâches complexes du côté de l’Homme. Alors que l’automatisation est un processus continu qui « prend » des emplois aux humains, la création de nouvelles tâches complexes est également un processus continu générateur de nouveaux emplois. S la première force dépasse la seconde, la part du travail dans le revenu national décroît et le chômage technologique augmenter. Si la deuxième force dépasse la première, l’inverse se produit, la part du travail dans le revenu national augmente et l’emploi augmente.
Comment se fait-il que par le passé ces forces aient été équilibrées ? Devrions-nous nous attendre à la même chose dans le futur ?
Les forces de stabilisation dans ce modèle proviennent de «l’effet prix». Comme l’automation tend à réduire le coût du travail, elle augmente aussi la rentabilité de la création de nouvelles tâches plus complexes. Ce qui implique une chose, l’automatisation rapide tend à se corriger d’elle-même, à condition qu’elle se déroule dans un environnement au sein duquel la technologie évolue ensuite peu. Dans ces circonstances, l’économie finit par revenir à son état initial.
Si dans le futur ce modèle reste identique, alors tôt ou tard les emplois fleuriront à nouveau. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que tout changement finit par s’équilibrer.
Si les technologies d’automation progressent plus rapidement que la création de nouvelles tâches, alors la vague technologique actuelle ne va constituer qu’une première étape vers un changement plus profond et durable de modèle économique mondiale ; le chômage technologique ne faisant qu’augmenter.
La véritable question est donc la suivante : sommes-nous les spectateurs d’une période transitoire de de découverte de nouvelles technologies d’automation, ou d’une rupture fondamentale de la façon et du rythme auquel nous concevons les technologies du futur ? En fonction de la réponse, nous vivrons dans les prochaine décennie un ré-équilibrage, ou à un changement de modèle sociétal.