Technologie sans conscience n’est que ruine de l’Homme.
Pourquoi cet article est intéressant ? L. Bardon . – A mesure qu’émerge la planète B , le jumeau numérique de la Terre, le monde se dote de nouvelles capacités. Nous construisons sans cesse de nouvelles couches à Internet afin qu’il « sente, pense et agisse » avec de plus en plus d’autonomie. Nous construisons progressivement, sans le réaliser, un robot géant en miroir du monde, un robot doté de milliards de capteurs interconnectés via l’IoT. Imaginez lorsque l’IoT disposera d’autant de neurones artificiels que le nombre de neurones dans le cerveau humain derrière notre conscience. En mettant Skynet de côté, cela pourrait présenter d’énormes bénéfices pour résoudre les plus grands problèmes du monde. Nous pourrions réduire de x% les coûts logistiques. Nous pourrions réduire l’empreinte carbone au sein de villes intelligentes. Nous pourrions trouver de nouvelles solutions pour des maladies incurables aujourd’hui… Pour autant, pourrons-nous disposer de nouvelles capacités technologiques ultra-puissantes sans subir le revers de la médaille ? Il va nous falloir comprendre comment utiliser ce « cerveau numérique mondial » à notre avantage, plutôt qu’être utilisé par lui, c’est-à-dire par les acteurs qui le contrôle.
Synthèse
Agrim Gupta, de l’université de Stanford, et ses collègues (dont Fei-Fei Li, qui codirige le Stanford Institute for Human-Centered AI et a dirigé la création d’ImageNet) ont utilisé des « animaux » virtuels pour explorer deux questions qui sont souvent négligées dans la recherche sur l’IA : quel est le lien entre l’intelligence et le corps, et comment les capacités peuvent être développées que ce soit pas l’évolution ou l’éducation. En biologie, l’intelligence naît de la collaboration entre l’esprit et le corps. Certains aspects du plan corporel, comme le nombre et la forme des membres, déterminent ce que les animaux peuvent faire et ce qu’ils peuvent apprendre. L’IA se concentre généralement sur le cognitif, en construisant des machines capables d’effectuer des tâches cognitives qui peuvent être maîtrisées sans corps, comme le langage, la reconnaissance d’images et les jeux vidéo. Mais ce répertoire limité pourrait bientôt devenir obsolète. Donner aux systèmes d’IA des corps adaptés à des tâches spécifiques pourrait leur permettre d’acquérir plus facilement un large éventail de nouvelles compétences.
Les Unimals ont une tête et plusieurs membres. L’équipe de chercheurs a ainsi mis au point une technique appelée « deep evolutionary reinforcement learning » (DERL). Les Unimals sont d’abord entraînés à l’aide de l’apprentissage par renforcement pour accomplir une tâche dans un environnement virtuel, comme marcher sur différents types de terrain ou déplacer un objet. Les plus performants sont ensuite sélectionnés, des mutations sont introduites et la « progéniture » qui en résulte est replacée dans l’environnement, où elle apprend les mêmes tâches depuis le début. Le processus se répète des centaines de fois : évoluer et apprendre, évoluer et apprendre. Les mutations auxquelles sont soumis les organismes non humains consistent à ajouter ou à supprimer des membres, ou à modifier leur longueur ou leur souplesse. Le nombre de configurations corporelles possibles est vaste : il existe 10^18 variations uniques avec 10 membres ou moins. Au fil du temps, le corps des Unimals s’adapte à différentes tâches. Certains Unimals ont évolué pour se déplacer sur un terrain plat en tombant vers l’avant, d’autres ont évolué vers un dandinement de type lézard, d’autres encore ont évolué vers des pinces pour saisir une boîte. Les chercheurs ont également testé la capacité des « animaux » uniques à s’adapter à une tâche qu’ils n’avaient pas vue auparavant, une caractéristique essentielle de l’intelligence générale. Ceux qui avaient évolué dans des environnements plus complexes, contenant des obstacles ou un terrain accidenté, étaient plus rapides à apprendre de nouvelles compétences, comme faire rouler une balle au lieu de pousser une boîte.
À terme, cette technique pourrait inverser la façon dont nous envisageons la construction de robots physiques, explique M. Gupta. Au lieu de commencer par une configuration corporelle fixe et d’entraîner ensuite le robot à effectuer une tâche particulière, on pourrait utiliser la technique de DERL pour identifier le plan corporel optimal pour cette tâche, puis le construire. Les Unimals de Gupta font partie d’un vaste changement dans la façon dont les chercheurs envisagent l’IA. Au lieu de former les IA à des tâches spécifiques, comme jouer au jeu de go ou analyser un scanner médical, les chercheurs commencent à lâcher des robots dans des bacs à sable virtuels, comme POET, l’arène virtuelle de cache-cache d’OpenAI, et XL, le terrain de jeu virtuel de DeepMind, et à leur faire apprendre à résoudre de multiples tâches dans des zones d’entraînement ouverts et en constante évolution. Au lieu de maîtriser un seul défi, les IA formées de cette manière acquièrent des compétences générales.
La suite ici (Will Douglas Heaven)