Emplois&automatisation : l’agenda caché des leaders de Davos

Ils ne l’admettront jamais en public, mais beaucoup de patrons veulent remplacer les humains par des machines dès que possible.

En public, de nombreux cadres se tordent les mains sur les conséquences négatives que l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation pourraient avoir pour les travailleurs. Ils participent à des tables rondes sur la construction d’une « IA centrée sur l’homme » pour la « Quatrième Révolution industrielle » et évoquent l’impérieuse nécessité de fournir un filet de sécurité aux personnes qui perdent leur emploi en raison de l’automatisation.

Mais en privé, y compris lors de réunions avec les dirigeants des nombreuses sociétés de conseil et de technologie, ces dirigeants racontent une autre histoire : Ils souhaitent automatiser un maximum de tâches humaines le plus rapidement possible pour rester en tête de la concurrence, sans se soucier de l’impact sur les travailleurs. Partout dans le monde, les dirigeants dépensent des milliards de dollars pour transformer leurs activités en tâches numérisées et hautement automatisées. Ils ont soif de marges bénéficiaires élevées, ce que l’automatisation peut leur procurer. De fait, ils considèrent l’IA comme la solution en or pour réaliser des économies, peut-être en leur permettant de réduire le nombre de services d’employés de plusieurs milliers à quelques dizaines à peine.

Peu de cadres américains admettront vouloir se débarrasser des travailleurs humains, un tabou au moment où l’opinion public fustige les inégalités. Ils ont donc dressé une longue liste de mots à la mode et d’euphémismes pour masquer leurs intentions. Les travailleurs ne sont pas remplacés par des machines, ils sont « libérés » de tâches onéreuses et répétitives. Les entreprises ne licencient pas des travailleurs, elles « subissent une transformation numérique ». Une enquête réalisée en 2017 par Deloitte a révélé que 53 % des entreprises avaient déjà commencé à utiliser des « machines » pour effectuer des tâches auparavant effectuées par des humains. On s’attend à ce que ce chiffre grimpe à 72 % d’ici l’an prochain. L’obsession des patrons pour l’IA est lucrative pour les entreprises spécialisées dans l’automatisation des processus robotiques. R.P.A. Infosys, basée en Inde, a rapporté une augmentation de 33 % de ses revenus sur 12 mois dans sa division numérique. Kai-Fu Lee, l’auteur de « AI Superpowers » prévoit que l’IA éliminera 40 % des emplois dans le monde d’ici 15 ans. Dans une entrevue, il a déclaré que les patrons subissaient d’énormes pressions de la part des actionnaires et des conseils d’administration pour maximiser les profits à court terme, et que le passage rapide à l’automatisation n’était que le résultat inévitable.

D’autres experts ont prédit que l’IA créera plus de nouveaux emplois qu’elle n’en détruira, et que les pertes d’emplois causées par l’automatisation ne seront probablement pas catastrophiques. Ils soulignent qu’un certain niveau d’automatisation aide les travailleurs en améliorant leur productivité et en leur permettant de se concentrer sur des tâches créatives plutôt que routinières. Mais à une époque où grandit l’instabilité politique et les mouvements anti-élites de la gauche progressiste et de la droite nationaliste, il n’est probablement pas surprenant que toute cette automatisation se fasse discrètement, hors de la vue du public.

Pour avoir une vision non biaisée de la façon dont certains dirigeants américains parlent de l’automatisation en privé, il faut en réalité écouter leurs homologues en Asie, qui souvent parlent sans tabou de leurs objectifs. Terry Gou, président du fabricant taïwanais d’électronique Foxconn, a déclaré que l’entreprise prévoit de remplacer 80 % de ses employés par des robots au cours des cinq à dix prochaines années. L’un des arguments couramment avancés par les cadres supérieurs est que les travailleurs dont les emplois sont éliminés par l’automatisation peuvent être  » requalifiés  » pour occuper d’autres emplois dans une organisation. Ils évoquent des exemples comme Accenture, qui a annoncé en 2017 avoir remplacé 17 000 emplois de back-office sans licencier en formant les employés pour travailler ailleurs dans l’entreprise. Mais ces programmes pourrait n’être que l’exception qui confirme la règle. Un rapport récent du Forum économique mondial estime que sur les 1,37 million de travailleurs qui devraient être complètement déplacés par l’automatisation au cours de la prochaine décennie, seulement un sur quatre pourra être recyclé de façon rentable au travers de programmes du secteur privé. Les autres devront probablement se débrouiller seuls ou compter sur l’aide du gouvernement.

L’automatisation du travail est un choix Et même si un certain degré de chômage causé par l’automatisation est inévitable, nos dirigeants peuvent choisir comment les gains de liés à l’automatisation et à l’IA sont distribués, c’est-à-dire s’ils doivent donner les profits excédentaires qu’ils en tirent aux travailleurs, ou en tirer partie pour eux-mêmes et leurs actionnaires.

La suite ici (Kevin Roose)

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