Qu’est-ce qui fait la valeur de votre travail ? Vous permet-il de vous réaliser ? Vous permet-il de vous connecter ou d’aider les gens ? De contribuer à une cause supérieure ? Ou sa valeur provient-elle de votre revenu, ce qui vous permet de faire d’autres choses significatives ? Vous connaissez probablement quelqu’un qui a un « bullshit job ». Peut-être que vous en avez un vous-même. L’anthropologue David Graeber estime qu’entre 20 à 30% des travailleurs considèrent que leurs emplois n’ont pas de sens.
L’appel de Graeber à réviser la façon dont nous envisageons le travail induit un twist dans le débat en cours sur l’automation. Les ordinateurs et les robots occupent plus d’emplois rendant les employés humains obsolètes. Et si l’automation à grande échelle n’était que la poussée dont nous avons besoin pour que le concept de travail prenne une nouvelle direction ? Graeber nous invite à réfléchir à ce que nous considérons comme précieux dans notre travail, et il étudie comment notre idéologie du travail a évolué au fil du temps.
Au 19e siècle, les hommes travaillaient dans des usines pour produire des biens physiques, et la valeur de leur travail était fondée sur ces biens. Au 20e siècle, la théorie de la valeur du travail a été remplacée par l’idée que la productivité vient des entrepreneurs. Les gens ont des idées et, avec ces idées, ils inventent des produits ou des services qui facilitent notre vie. Notre vie est alors devenue plus facile au point que beaucoup d’entre nous peuvent s’asseoir à un bureau toute la journée plutôt que de travailler dans une usine. Si nous ne produisons pas de biens physiques et que nous n’inventons pas un nouveau produit ou service, qu’est-ce qui fait la valeur de notre travail ?
Nous avons donc décidé que la valeur du travail était intrinsèquement le travail lui-même. Cela nous donne la satisfaction de subvenir à nos besoins. C’est agréable de recevoir sa paie sur son compte bancaire et de savoir que vous avez travaillé pour ça, n’est-ce pas ? Le travail forme le caractère, nous rend plus fort et plus équilibré, peu importe ce que nous faisons.
En fait, Graeber fait valoir que les bullshit jobs sont devenus une vertu. Ils nécessitent plus de discipline car ils ne sont pas intéressants ou agréables. Nous en sommes là. Nous valorisons ces emplois sans signification car ils manquent de sens. Mais quelles conséquences sur notre moralité et notre motivation de se sentir épuisé tous les jours après 8 heures de bullshit jobs ? Alors que pendant ce temps, les emplois donnant satisfaction aux gens, comme le travail associatif par exemple, sont souvent mal payés.
Le spectre de l’automation arrive-t-il au bon moment ? Sera-t-il moins grave que les gens ne le craignent ? Et si, au lieu d’éliminer progressivement tout travail humain, l’automation ne nous débarassait pas que des emplois ennuyants et inintéressants ?
Même si c’est le cas, cela ne signifiera pas pour autant la fin du travail bien rémunéré et satisfaisant. Chacun d’entre nous réunit un ensemble d’aptitudes et d’intérêts divers. Tout le monde n’est pas docteur, avocat ou entrepreneur. De même, si le travail ennuyant est repris par les machines, tous les employés ne pourront pas pour autant devennir danseur de salsa, musicien ou inventeur.
Les experts ont prédit qu’au moins une partie du temps et de l’énergie libérée par l’automation serait redirigée vers l’innovation, la créativité et la diversification des intérêts.
A quoi ressemblera la structure économique d’une telle société ? Comment la motivation sera affectée ?
source (Vanessa Bates Ramirez)