La société devrait-elle considérer les données que nous produisons comme du travail ?

L’avènement d’Internet a ouvert un nouvel espace de créativité qui a rendu floue la distinction entre travail et loisirs. En réalité, nous travaillons toute la journée, tous les jours. En taggant un ami sur une photo de son anniversaire le plus récent, en demandant à Alexa de passer à la chanson suivante, et en écrivant une critique concernant le salon de coiffure où vous êtes allé hier, vous générez des données que les entreprises de technologie aggrègent avec des millions d’autres expériences d’utilisateurs, pour monétiser ce que leurs algorithmes apprennent. Mais le principe du transfert bidirectionnel en nature, dans le cadre duquel les utilisateurs de technologie ont souvent accès à des services gratuits en échange de leurs données est-il le meilleur arrangement possible ?

Actuellement nos données sont considérées comme un réservoir quasiment gratuit pour les entreprises de technologie qui y accèdent et étudient nos empreintes en ligne. Cela laisse les utilisateurs dépourvus de tout moyen significatif de négocier le paiement de leurs données, et de moyens d’actions contre l’intrusion dans leur vie privée. Chacun d’entre nous est privé d’une part de la valeur économique liée à la production de ses données. Le travail est vecteur de sens et de respectabilité dans notre société. Les travailleurs réagissent aux incitations à travailler plus dur et à produire des biens et services de meilleure qualité. Et si traiter le rendement des données comme le rendement du capital exacerabait l’inégalité, mais limitait aussi les gains de productivité découlant de la révolution de l’intelligence artificielle (IA) ?

Il y a 20 ans, Internet était un territoire inexploré qui offrait un vaste potentiel. Cela a permis l’émergence de ce que Jaron Lanier appelle des serveurs sirènes, c’est-à-dire des entités qui ont su tirer profit de cet environnement  » libre  » et s’étendre jusqu’à des magnitudes inédites. Ces serveurs sirènes, en raison des énormes « effets de réseau » en jeu dans les technologies de l’information qui favorisent les opérateurs historiques, sont ce que les économistes appellent des acheteurs monopsones de données : des monopoles inversés où peu d’acheteurs possèdent la majeure partie du pouvoir sur le marché.

Et si nous entamions une transition vers un monde « data as labor » ? Pour y parvenir, les institutions sociales de grande échelle devraient disposer d’un véritable contre pouvoir. Le premier et le plus naturel des facteurs d’équilibrage est la concurrence qui, en soi, peut s’avérer insuffisante en raison des économies d’échelle en jeu sur ce marché. Cette concurrence devrait nécessairement s’accompagner de la capacité de l’utilisateur de négocier collectivement avec les entreprises de technologie une rétribution en contrepartie des contributions. Des « Data labor unions » pourraient émerger et fonctionner à la fois comme une force pour appeler de manière crédible à une grève majeure, mais aussi pour certifier la qualité des données. Enfin la réglementation existante pourrait être optimisée. D’une part, nous avons besoin de cadres réglementaires qui transfèrent les droits de propriété des données aux utilisateurs en tenant compte de la façon dont un  » salaire minimum pour les données  » leur serait reversé. D’autre part, les leaders de l’industrie doivent se rendre compte que le fait de payer les gens pour leurs données pourrait aussi alimenter la croissance et promouvoir la stabilité à long terme.

La suite ici (Imanol Arrieta Ibarra, Len Goff, Diego Jiménez Hernández, Jaron LanierE. Glen Weyl)

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