Le tsunami économique du camion autonome va toucher des millions d’emplois

camions autoroute photo
Photo by (vincent desjardins)

En avril 2016, Uber annonçait l’acquisition d’Otto, une startup basée à San Francisco qui a développé un kit capable pour rendre n’importe quel camion autonome. La technologie Otto donne aux camions une autonomie complète sur les autoroutes : les camions peuvent naviguer, rester dans leur voie et ralentir ou s’arrêter sans aucune intervention humaine, en fonction des conditions de circulation. Si le kit Otto coûte actuellement environ 30 000 $, le prix a vocation a diminué dans les années à venir.

Otto n’est pas le seul acteur positionné sur ce marché. Des véhicules automatisés sont déjà couramment utilisés pour déplacer des matériaux dans l’industrie minière australienne. Daimler, la multinationale allemande, a également créé son propre modèle, un véhicule géant de 18 roues avec un mode « pilote d’autoroute » disponible pour lequel le conducteur doit rester physiquement présent. Une autre approche consiste à utiliser des convois automatiques, au sein desquels des camions autonomes suivent un véhicule principal.

La concurrence exacerbée entre les différentes entreprises développant ces technologies nous conduit probablement à la mise en circulation de camions réellement autonomes au cours des cinq à dix prochaines années. Une fois la technologie éprouvée, son adoption devrait être massive pour une simple et bonne raison : aux seuls États-Unis, les gros camions sont impliqués dans environ 350 000 accidents par an, ce qui entraîne près de 4 000 décès. Pratiquement tous ces incidents sont attribuables à une erreur humaine. Il ne demeure qu’un seul problème, mais de taille : chauffeur de poids lourd, c’est l’une des professions les plus courantes aux États-Unis.

Une fois automatisée, que deviendront les emplois ? Pour des millions d’américains moyens, qui aspirent simplement à un travail stable, devenir propriétaire, et que leurs enfants accèdent aux études universitaires, la situation s’est dégradée au fil de décennies de stagnation. Pourtant ces millions d’américains sont continuellement bombardés de messages mettant en avant la croissance et la prospérité de l’économie. Depuis 1990, la valeur totale des biens produits dans les usines américaines a augmenté de 73% (en prenant en compte de l’inflation). Si la production a doublé, l’emploi manufacturier a baissé en même temps de 30% ; une perte de plus de 5 millions d’emplois. L’Amérique produit plus que jamais, mais le fait avec de moins en moins de travailleurs.

Dans le futur, « piloter » un camion informatisé pourrait bien être perçu comme un travail « technologique ». Ces travailleurs seront libérés des jours et nuits passées sur la route et pourront vivre une vie plus nomade près de leurs proches. En d’autres termes, conduire un poids lourd pourrait se transformer en une profession recherchée activement par les diplômés universitaires. Alors que la profession de chauffeur pourrait incarner la vague d’automation, les conséquences seraient plus larges. Cette automation aurait également des impacts sur les emplois liés à la restauration rapide, ou les emplois administratifs qui font actuellement vivre des dizaines de millions d’Américains. L’impact sera particulièrement important dans les régions autrefois dites ouvrières où les habitants sont devenus chauffeurs pour continuer à vivre du fruit de leur travail.

Notre modèle social est fondé sur la valeur travail. Chaque personne travailleuse est supposée en contrepartie avoir accès à un travail digne, valorisant et recevoir une compensation financière adéquate. Et si les progrès technologiques rendaient inopérantes cette équation ? Il faudrait alors nécessairement entamer un changement fondamental de nos valeurs.

Devrions-nous intégrer à notre modèle le versement d’un complément de revenu direct, peut-être sous la forme d’un revenu minimum garanti ou d’un revenu de base universel ? Cette idée commence à prendre racine. À l’heure actuelle, des expériences limitées sont en cours en Finlande et aux Pays-Bas, et il y aura bientôt un essai dans la baie de San Francisco financé par le secteur privé. La province canadienne de l’Ontario va aussi lancer prochainement une expérimentation de base universel, pour un coût de 25 millions de dollars canadiens.

Mais si les emplois sont amenés à disparaître ? Ou si les salaires ne cessent de diminuer à mesure que les professions déqualifiées et que l’accès nécessite des niveaux toujours croissants d’éducation et de capacité intellectuelle ? Alors nous devrons trouver une forme alternative de redistribution des revenus ou faire face à une stagnation économique concomitante avec une instabilité sociale et politique.

Nous devrons également trouver des solutions pour que chaque individu trouve un sens et s’accomplisseme dans un monde où il travaillera de moins en moins. 

Ce qui est si facile à exprimer constituer un immense défi sociétal, géopolitique, économique…

Le mouvement populiste débuté en juin avec le Brexit semblait avoir atteint un pic en Novmbre. Mais il pourrait prendre encore bien plus d’ampleur et nous faire vivre, dans le prochaines décennies, une période de transition trouble au cours de laquelle, faute de politiques adéquates, la technologie détruira plus d’emplois qu’elle n’en a jamais détruit.

source (Martin Ford)

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