Metaverse : le bon, la brute et le truand (3-4)

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Il n’existe pas de consensus sur ce qu’est le Metaverse. 

Le Metaverse est un nouveau type d’expérience dont le potentiel commence tout juste à être explorée. Il pourrait constituer quelque chose d’incroyablement positif, de destructeur ou bien un entre deux. Comme le fut en son temps l’énergie nucléaire. Après environ 40 ans de travaux et la découverte de la grande quantité d’énergie que pouvait produire la fission, la première application ne fut pas une centrale mais une bombe.

Nous sommes donc en train de construire la partie invisible, les fondations du Metaverse.

Or, chaque couche en cours de construction du Metaverse comporte un peu de :

  1. BON,
  2. de BRUTE,
  3. et de TRUAND.

La BRUTE

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Image par Devanath de Pixabay

Le Metaverse open-source pourrait déjà relever de l’utopie

Après que l’intérêt pour les metaverse open-source se soit émoussé, l’industrie technologique a passé une décennie à capter à tout prix notre attention via des services gratuits et addictifs dont elle tire “indirectement” une immense valeur. C’est l’Internet dont le Metaverse a hérité. 

Début des années 90, lorsque Neil Stephenson écrit son livre “Snow crash”, le Web n’est encore qu’un amas de bric et de broc dont chaque morceau n’est relié que par la “force” des serveurs. Des développeurs novices construisent des sites Web rudimentaires en utilisant le HTML et le HTTP. Naissent ensuite des navigateurs web comme Mosaic puis Netscape pour résoudre le problème du tri et de l’agrégation des informations.

Le Metaverse, tel qu’il a été décrit par Stephenson, est une rue numérique tridimensionnelle dotée de biens immobiliers virtuels. Les avatars des utilisateurs peuvent y flâner, faire la fête et faire des affaires. L’architecture et l’interopérabilité entre tous les acteurs de ce cyberespace 3D est gérée par une société appelée Global Multimedia Protocol Group.

Au début des années 2000, une floraison de projets de Metaverse open source voit le jour. Malheureusement aucun de ces projets n’a jamais décollé.

Au milieu des années 2000, il devient alors évident que la valeur ne réside plus dans la construction de sites webs individuels mais dans la création de trieurs, de canaux, d’agrégateurs et d’éditeurs d’informations – suffisamment ouverts pour s’adapter au contenu généré par les utilisateurs, mais suffisamment fermés pour engranger d’énormes bénéfices. Ainsi naquit le web2.0. Depuis près de 30 ans, le cyberespace est aux mains d’un nombre de plus en plus restreint de géants technologiques. De nouveaux acteurs prometteurs émergent, se rapprochent , se concurrencent, sont rachetés et finissent par devenir de véritables trous noirs appelés GAFA.

Est-ce qu’un scénario où des géants comme Microsoft, Facebook, Epic Games, Apple, Niantic, Nvidia, etc. décidaient de collaborer pour architecturer le Metaverse sous des normes open source dont personne en particulier ne tirerait des milliards est crédible? Pourquoi s’associeraient-ils pour créer un Metaverse alors qu’ils ont déjà consacré des décennies et des milliards à construire le leur ?

Si la croissance incontrôlée des Big Tech se poursuit, il y aura plusieurs metaverses, si tant est qu’il y en ait. Chacun sera interopérable au sein d’un écosystème propriétaire et maîtrisé propre à un géant technologique, de la même manière qu’Apple. Les utilisateurs aiment l’homogénéité du système d’exploitation propriétaire d’Apple, l’omniprésence d’iMessage. Et Apple, vraisemblablement, aime la commission de 30 % qu’elle peut faire payer aux développeurs qui vendent des applications sous iOS par l’intermédiaire de son App Store.

Qui veut réellement d’un Metaverse qui serait construit à la manière du Web 2.0 ?

De nouveaux projets de Metaverse à code source ouvert cherchent donc à combattre l’inévitable pour redistribuer la propriété du Metaverse.

Le « play-to-earn » pourrait tuer le coeur du gameplay des mondes virtuels

Encore une fois le secteur des jeux vidéo est en avance sur cette question. Les jeux ont toujours été à l’avant-garde de la notion de propriété numérique.

On peut ainsi attribuer à la plateforme de jeux Steam le mérite d’avoir normalisé le concept pour les jeux, et sans doute pour d’autres médias comme les films.

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Collecter des objets dont la rareté est variable et la distribution aléatoire constitue l’une des principales « boucles » de nombreux jeux. Classiquement le joueur tue un monstre et obtient alors une meilleure arme, qui lui permet de tuer un monstre plus coriace, ce qui lui permet d’obtenir une arme encore meilleure, etc… Par ailleurs, la collecte de « skins » (c’est-à-dire de différentes tenues/permutations du personnage du jeu) est l’une des typologies de microtransactions les plus répandues dans les jeux.

Les NFT sont conçus pour s’adapter dynamiquement à divers objets rares ayant une valeur permanente, traçable et ouverte. Mais la façon dont les NFT sont actuellement discutés dans le domaine des jeux risque fort de tomber dans le piège de tuer la boucle du gameplay de base en cédant aux sirènes de gains financiers rapides.

Ce mécanisme a en quelque sorte déjà été testé. Les développeurs de jeux ayant intégré une « boucle de butin » ont longtemps eu un problème avec les joueurs qualifiés de « fermiers ». Ces derniers acquièrent et accumulent des monnaies de jeu et des objets pour les vendre aux autres joueurs contre de l’argent réel, à l’encontre des conditions de service du jeu. La solution a alors consisté à mettre en place des « maisons de vente aux enchères » dans lesquelles les joueurs pouvaient utiliser de l’argent réel pour acheter des objets les uns aux autres.

Malheureusement, cette solution a eu un effet secondaire indésirable. Comme l’a fait remarquer Jamie Madigan, célèbre psychologue spécialiste des jeux, notre cerveau est conçu pour accorder une attention particulière aux récompenses inattendues et bénéfiques. Alors qu’une grande partie du plaisir lié aux jeux provient d’une récompense inattendue ou aléatoire, acquérir facilement une récompense connue à l’avance, via de l’argent réel, dégrade la perception de la valeur de la récompense et donc une partie du plaisir de jouer. Ce qui pose la question de la pérennité du succès de jeux blockchain comme Axie Infinity.

Ce dernier a en effet rapidement suscité l’enthousiasme autour du concept de « jouer pour gagner »(play-to-earn). Les joueurs peuvent potentiellement gagner de l’argent réel, en vendant soit des ressources soit des personnages tokenisés obtenus dans un environnement de jeu blockchain. Dès lors quel est le moteur principal des joueurs ? Se soucient-ils suffisamment du cœur du jeu lui-même plutôt que de la valeur marchande potentielle des NFT ou du potentiel de gain en jouant ?

Plus fondamentalement, si les gains réels sont le but recherché, s’agit-il vraiment d’un jeu ou simplement d’une micro-économie gamifiée, où le « farming » tel que décrit ci-dessus n’est pas une activité illicite, mais plutôt le mécanisme de base du jeu ?

Les jeux basés sur une blockchain sont donc face à plusieurs problèmes de gameplay relevant de la psychologie des jeux. Ne pas les résoudre empêchera probablement que ces derniers ne soient adoptés par le grand public.

Les jeux peuvent être considérés comme les roues du Metaverse : les façons dont nous communiquons, navigons et pensons aux espaces virtuels sont toutes basées sur des mécanismes et des systèmes qui trouvent leur origine dans les jeux.

Les premiers adeptes d’un « Metaverse » seront donc des joueurs qui ont affiné ces compétences et se sentent à l’aise au sein d’environnements virtuels.

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Image par Okan Caliskan de Pixabay

Pourtant, de nombreuses marques et spécialistes du marketing (qui n’ont pas vraiment fait le travail nécessaire pour comprendre les joueurs et les jeux) tentent de saisir rapidement une opportunité qui ne se concrétisera probablement pas avant longtemps de façon plus large.

Le Metaverse pourrait fonctionner comme le web2.0… en pire

Une récente expérience menée à  l’Université de Californie à Berkeley montre que les visages humains synthétiques sont devenus si convaincants qu’ils trompent même les observateurs expérimentés.

Si vous demandez aux gens de nommer les principales technologies du métavers, ils nomment généralement les casques de réalité virtuelle, parfois les moteurs graphiques, la 5G ou même la blockchain. Mais la technologie qui tirera les ficelles de notre expérience dans le Metaverse c’est l’IA. En effet, la partie la plus dangereuse du Metaverse sera probablement constituée d’agents artificiels qui ressemblent et agissent comme d’autres utilisateurs, mais qui sont des personnages simulés contrôlés par l’IA.

Ils auront accès à des données sur nos intérêts personnels et nos croyances, nos habitudes et notre personnalité. Ils seront capables de surveiller notre état émotionnel en lisant nos expressions faciales et nos inflexions vocales. De fait, ils disposeront de toutes les “armes” pour nous engager dans une « manipulation conversationnelle », nous ciblant pour le compte d’annonceurs payants sans que nous nous rendions compte qu’ils ne sont pas réels.

Et comme ces agents artificiels ressembleront à n’importe qui dans le Metaverse, notre scepticisme naturel à l’égard de la publicité ne nous protégera pas.

Le TRUAND

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A PARAITRE LA SEMAINE PROCHAINE

*** SOURCES ***

  1. https://www.matthewball.vc/all/forwardtothemetaversepr imer?utm_source=pocket_mylist
  2. https://www.matthewball.vc/all/interchangemetaverse?utm_source=pocket_mylist
  3. https://www-metapunk-co-uk.cdn.ampproject.org/c/s/www.metapunk.co.uk/metablog/8-2021-metanomics-building-the-economy-of-the-metaverse?format=amp&utm_source=pocket_mylist
  4. https://www.newyorker.com/culture/infinite-scroll/facebook-wants-us-to-live-in-the-metaverse?mc_cid=05bfb4716d&mc_eid=9b04217987&utm_source=pocket_mylist
  5. https://techcrunch.com/2021/09/16/for-the-love-of-the-loot-blockchain-the-metaverse-and-gamings-blind-spot/?guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cubGlua2VkaW4uY29tLw&guce_referrer_sig=AQAAAMaoF18odRK_1i_9sDJmc7t1pVnUefHF7ZECJZuMj-tJdp8JdmgLNal6Kh0-x2ZrjyiSTlaax_8fXODnMApm54cA1X26mUgvP0wLJJNZllV7TTeLLVjZolJwmwC5G4JLdBqSMzlspCibCtdS0S-1FtxL0DOqUSaAKA3ZAm3v88d3&tpcc=ECTW2020&utm_source=pocket_mylist&guccounter=2
  6. https://www.deccanherald.com/business/into-the-metaverse-where-crypto-gaming-and-capitalism-collide-1045947.html?utm_source=pocket_mylist
  7. https://www.wired.com/story/big-tech-metaverse-internet-consolidation-business/?utm_source=pocket_mylist
  8. https://www.coindesk.com/business/2021/11/23/crypto-states-will-compete-with-corporates-in-the-metaverse/?utm_source=pocket_mylist
  9. https://www.technologyreview.com/2021/12/16/1042516/the-metaverse-has-a-groping-problem/?utm_source=pocket_mylist
  10. https://www.scmp.com/tech/big-tech/article/3159562/sandbox-founder-says-open-blockchain-based-metaverse-threatened?CMCampaignID=83414266eab42dc9dbff6d5d7567c2e9&UUID=a395dbfe765ad9e9cd5ba4e8cb05d1f0&tc=11&tpcc=enlz-insidechinatech&utm_source=pocket_mylist
  11. https://venturebeat-com.cdn.ampproject.org/c/s/venturebeat.com/2021/12/26/how-ai-vr-ar-5g-and-blockchain-may-converge-to-power-the-metaverse/amp/?utm_source=pocket_mylist
  12. https://techcrunch.com/2022/01/12/the-metaverse-will-be-filled-with-elves/?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cubGlua2VkaW4uY29tLw&guce_referrer_sig=AQAAAJN_F84gFIxJQIbQ-wOwONOzm5M6QgwcpI4ecowPYwAmoOrNOT4z1hwiZjyYpZCT-pn4Rs896BnxeZfQ9OUNhTBsdtCP4DMHWgzkLOPgeawH-RnLxsyUMXWamqjYeemH0da4LeGksKbFyy1EpCEws5QTDbOqof71A_JsgWBQmjNq&utm_source=pocket_mylist
  13. https://www.weforum.org/agenda/2022/02/metaverse-monetization-business-guide/?utm_source=pocket_mylist
  14. https://www.technologyreview.com/2022/02/08/1044732/metaverse-history-snow-crash/?utm_source=pocket_mylist
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