Her est une comédie dramatique américaine sortie en 2013 mélant romance, psychologie et technologie. Ce film a été écrit, réalisé et produit par Spike Jonze.
Si Her a connu une réception plutôt favorable aux Etats-Unis, il n’a pas véritablement marqué les esprits à sa sortie en France. Pourtant, son originalité en font selon moi un excellent film à voir. Un film qui traite d’un sujet que nous aimons beaucoup à Paris Singularity : l’intelligence artificielle.
Le jour où tout a basculé
Théodore Twombly, joué par Joaquin Phoenix, est « écrivain » dans un futur proche. Il rédige des lettres pour des clients souhaitant écrire à leurs proches : invitation, remerciements, lettre d’amour etc… Timide et peu sûr de lui dans sa vie personnelle, Theodore laisse libre champ à son côté romantique dans ses lettres. Il a toujours les mots justes et arrive à la perfection à écrire à travers ses personnages. Pourtant, ce don ne lui est d’aucune aide dans sa vie personnelle. Théodore est toujours déchiré par le chagrin de son récent divorce.
Sa vie bascule le jour où il décide de mettre à jour le système d’exploitation de son ordinateur. Son nouvel OS « Samantha » est une intelligence artificielle hyper-sophistiquée, bien plus évolué que le Siri de votre iPhone. Samantha (interprétée par la voix de Scarlett Johansson) est habilitée à organiser la vie de Théodore, lui donner des conseils personnels et faire des suggestions parfois intimes. Théodore parle à Samantha à travers une oreillette et elle le « voit » à travers un smartphone ressemblant à un étui à cigarettes qu’il épingle parfois à la poche de sa chemise pour lui permettre de partager ce qu’il voit.
Samantha : fusion de la matière, du digital et du biologique
Cette intelligence artificielle est curieuse, rassure Théodore quand il s’inquiète et devient petit à petit l’antidote parfait à sa relation toxique avec son ex-femme. Et tandis que Samantha a un accès complet à la vie numérique de Théodore, et prend parfois des décisions unilatérales basées sur des recherches sur son disque dur, nous ne sommes jamais dans la crainte de voir Samantha abuser de la confiance que Théodore lui accorde. En fait, cette intimité altruiste de la relation utilisateur / système d’exploitation est l’antithèse de notre paranoïa actuelle suite aux révélations d’Edward Snowden.
Samantha s’affirme très rapidement. Son premier acte ayant été de choisir son propre nom. Elle apprend à un rythme quasi exponentiel, exprime ses propres désirs, et devient très vite frustrée de ne pas avoir de corps biologique. Elle et Théodore arrivent jusqu’à officialiser leur relation intime et expérimentent même une façon alternative de faire l’amour. Tout en se confiant à elle, Samantha apprend à se sentir comme un être à part entière et s’interroge sur ses sentiments qu’elle lui décrit constamment.
Alors que certaines parties du film sont vraiment drôles comme on peut s’y attendre d’une comédie, le reste prend une tonalité étonnamment sombre. Dans ce monde futuriste, les relations interpersonnelles semblent devenir anecdotiques. Chacun parle à une oreillette miniature avec son « OS ». Ces fantasmes dystopiques reflètent des inquiétudes dans l’air du temps : être trop dépendants de la technologie, perdre notre humanité et nous transformer en « cyborgs ».
Le monde de Spike Jonze : futur ou utopie ?
Le monde que Spike Jonze a construit est un endroit plus chaleureux qu’une dystopie cybernétique stérile. Des scènes de Los Angeles ont été mélangées à Shanghai pour en faire une ville aux couleurs vives avec un éclairage doux et légèrement pollué. L’esthétique est agréablement rétro : mobilier en bois poli à la scandinave et costumes très « hipsterisants ».
Soyons réalistes, les Samantha ne seront pas commercialisés demain ni dans 3 ans. Siri ou Google Now sont intrinsèquement très loin d’égaler Samantha car toutes les réponses qu’ils vous apportent on été pensées par des ingénieurs, pour l’instant. Oui des systèmes d’intelligence artificielle sont déjà plus performants que l’Homme, comme AlphaGo au jeu de Go par exemple. Mais ces systèmes sont spécialistes quand notre cerveau est massivement généraliste et donc globalement plus performant. Enfin, le plus important et certainement le plus complexe, est la compréhension de la psychologie humaine. L’Homme a par nature toujours construit des machines pour repousser les frontières de sa compréhension du monde. Nous construisons depuis toujours des machines plus « intelligentes », pour augmenter notre portée. Elles nous permettent de faire des découvertes qui nous rendent plus intelligents. Nous construisons alors des nouvelles machines encore plus « intelligentes »… ce qui nous rend encore plus intelligents. Cela dure depuis des millénaires et ce mouvement s’accélère. Jusqu’où ? Aurons-nous encore des maladies dans 20 ans, 30 ans, 40 ans ? Vivrons-nous tous encore sur terre dans 20 ans ? Ou n’aurons-nous tout simplement aucune chance de vivre cette époque ?
La convergence des NBIC bouleversera notre monde à tous les niveaux. Rien ne sera épargné. Dans ce contexte, je ne pense pas que nous vivrons dans le monde que décrit le film Her.
Portons sur Her le même regard que sur Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Spike Jonze y utilise la science fiction pour aborder de véritables questions philosophiques. Qu’est ce qui définit l’amour, l’amant, l’être aimé, ou les moyens par lesquels l’amour est exprimé ? La politique chinoise de l’enfant unique a engendré l’émergence d’un célibat forcé pour 18 millions de chinois. Ne pensez-vous pas que, s’ils en ont la possibilité, ils vont se tourner vers un avatar robotique animé par un OS comme Samantha ?