Les startups des technologies cognitives, ou neuro startups, incarnent une interface entre les neurosciences et la technologie. Elles construisent un futur où un cerveau malade sera guéri, et un cerveau sain optimisé, voire augmenté. Si l’idée semblait saugrenue, des investisseurs peuvent maintenant suivre la catégorie Neuroscience Startups sur AngelList, qui (au moment de la rédaction du présent article) comprend 231 entreprises en phase de démarrage évaluées en moyenne à 3,6 millions $. L’agrégateur de données Crunchbase suit un total de 367 start-ups en neurosciences. Que va nous réserver 2019 ?
Le cerveau à haute performance
Sur le plan thérapeutique, un plus grand nombre d’entreprises du domaine comme MindMaze et NeoSensory vont s’attaquer à la neuro-réadaptation grâce à de nouveaux dispositifs. Par exemple, les jeux d’Akili Interactive ont fait des vagues dans la communauté médicale après avoir démontré l’efficacité du TDAH dans des essais contrôlés randomisés, ouvrant la prescription de jeux comme thérapies pour les troubles neurologiques.
Technologie vocale
Une nouvelle génération d’entreprises reconnaît, comme principe fondateur, que la voix humaine constitue une fenêtre directe sur le fonctionnement du cerveau. Des capitaux abondants sont investis dans les technologies vocales, notamment par le fonds Alexa d’Amazon, qui investit plus de 200 millions de dollars pour stimuler l’innovation en matière de technologies vocales. La conception de technologies basées sur l’intelligence artificielle (IA) pour transcrire directement les signaux du cerveau en parole semble de plus en plus réaliste. En 2019 nous pouvons nous attendre à une intégration de plus en plus transparente de la technologie vocale dans la vie quotidienne.
Santé mentale
Grâce aux dispositifs de Magstim et Neuronetics, la stimulation magnétique transcrânienne comme traitement de la dépression est en plein essor. Des startups comme Brain Power introduisent la réalité augmentée pour soigner des troubles auparavant difficiles à traiter comme l’autisme. En 2019, nous continuerons probablement à assister à une frénésie de financement pour ces startups neurologiques qui permettent l’intégration massive de technologies numériques aux services de santé mentale.
Neurochirurgie et neuromodulation
Manipuler directement le cerveau pour traiter la maladie remonte à au moins aussi loin que les anciens Egyptiens. Néanmoins, l’humanité semble tout juste entrer dans l’âge d’or de la chirurgie du cerveau. Les structures anatomiques peuvent maintenant être ciblées avec une extrême précision, grâce à des produits de neuronavigation provenant de startups comme Synaptive. Les robots spécialisés dans les applications neurochirurgicales (voir ROSA et Mazor) sont de plus en plus massivement adoptés, sous l’impulsion de la prochaine génération de startups neuro-robotiques comme Tamar Robotics en Israël. La stimulation cérébrale en profondeur continuera de se moderniser, avec des électrodes orientables et une programmation en boucle fermée, ce qui va améliorer l’efficacité et ouvrir de nouveaux champs dans la compréhension des troubles du cerveau, de la maladie de Parkinson à la dépression.
Interfaces cerveau-ordinateur
Après une série d’annonces liées à Neuralink, Facebook, Kernel, Openwater d’Elon Musk, et d’autres nouveaux venus prometteurs mais moins envahissants sur le marché, les interfaces cerveaux-ordinateurs (BCI) sont devenues omniprésentes dans les médias en 2018, qu’elles soient invasives ou non invasives. Par exemple, Paradromics a levé 7 millions de dollars pour le BCI bidirectionnel comme traitement des patients présentant des défauts de connectivité cérébrale, grâce à une technologie financée par le DARPA’s Neural Engineering System Design Program. Concernant les dispositifs non invasifs, les chefs de file de la neurotechnologie grand public comme EMOTIV et Muse (Interaxon) n’ont cessé d’améliorer leur offre en mettant l’accent sur l’expérience utilisateur et la compréhension approfondie des données cérébrales.
Neuromodulation
La neuromodulation est le processus d’ajustement précis des fonctions du cerveau par des moyens électriques, biochimiques ou autres. Des résultats révolutionnaires démontrant l’efficacité de la neuromodulation de la moelle épinière dans le rétablissement de la fonction chez les patients paralysés sont un indice de l’émergence imminente de startups dans ce domaine.
Gestion de la douleur et toxicomanie
Les National Institutes of Health ont annoncé l’Initiative HEAL, un effort transorganisationnel visant à accélérer la découverte de solutions scientifiques pour endiguer la crise nationale de la santé publique des opioïdes. Parallèlement aux efforts de lutte contre l’épidémie d’opioïdes, une communauté croissante de neuro- startups met au point des méthodes plus sûres et plus efficaces pour traiter la douleur. Neurometrix a par exemple mis au point un appareil portable qui atténue les signaux de douleur dans le cerveau en stimulant les nerfs périphériques.
Neuropharmacologie
System 1 Biosciences a réuni 25 millions de dollars pour réinventer le processus de découverte des médicaments à l’aide d’organoïdes cérébraux. Verge Genomics applique l’IA aux données des modèles biologiques pour aider à trouver des composés prometteurs. Des entreprises bien financées et dotées d’équipes expérimentées sont apparues pour conquérir des territoires moins prometteurs comme la neuroprotection (Magnolia Neurosciences) et l’axe intestin-cerveau (Kallyope, qui a conclu une série B de 87 millions $ dirigée par Bill Gates). L’espace neuropharmacologique se transforme au gré d’associations « étranges ». Les géants de l’industrie Pfizer et Bain Capital ont annoncé le développement de Cerevel Therapeutics, pour lequel Pfizer apporte sa bibliothèque de composés précliniques du SNC.
Neuroéthique
L’OCDE a réuni des universitaires, des décideurs et des neuro-entrepreneurs à Shanghai pour l’Atelier sur la neurotechnologie mentale : Offrir une innovation responsable pour la santé et le bien-être. Les considérations neuroéthiques sont maintenant descendues de la tour d’ivoire de grands principes pour être appliquées dans le monde des startups soutenues par le capital-risque, avec des situations récentes telles que la répudiation de Nectome par le MIT et les préoccupations continues en matière de neuroprivacy montrant que chaque neuro-startup a besoin d’une stratégie éthique. Des groupes d’entrepreneurs locaux comme BrainMind, NeuroLaunch et NeuroTechX ont poursuivi leur croissance organique, et incarnent aujourd’hui un écosystème cohérent de neuro-startups qui s’attaquent maintenant aux des questions commerciales et politiques.