Les « nationalistes » de l’intelligence artificielle (IA) vont changer le paysage géopolitique. En matière d’IA, les Etats Unis et la Chine sont en avance sur les autres pays. D’abord parce que les 2 pays priorisent leurs propres programmes. Puis, car plutôt que de perdre du temps à discuter des dangers de l’IA, ou à élaborer des politiques internationales pour l’encadrer, les deux pays sont devenus des « nationalistes » de l’IA.
Il y a une dizaine d’année, la recherche sur l’IA sommeillait. Désormais, des entreprises comme Google et Baidu sont parmi les plus riches du monde. La roue a tourné pour l’industrie. L’environnement politique national a permis à Google et Facebook par exemple, de devenir les leaders mondiaux du développement de l’IA, ainsi que deux des sociétés les plus riches de la planète. Malheureusement c’est aussi dans ce climat qu’une entreprise comme Cambridge Analytica a exploité des millions de données avec, apparemment, peu de conséquences. N’oublions pas que Google, Microsoft et Amazon, ont tous été récemment critiqués pour avoir aidé le gouvernement à développer des projets que leurs employés considèrent contraires à l’éthique.
Puisque les Etats-Unis ignorent les appels à la discussion pour une politique internationale concernant l’IA, nous sommes forcés de croire ou d’espérer que ces géants de la tech et le gouvernements fédéral soient bienveillants, même sans lois ou régulations. Lorsque les membres du Congrès américain ont interrogé le PDG de Facebook, Marc Zuckerberg, à propos du scandale des données de Cambridge Analytica, plusieurs d’entre eux ont montré qu’ils ne comprenaient pas réellement ce qui c’était passé. L’absence de politiques semble venir en réalité de leur ignorance… Selon l’expert en IA, Ian Hogarth éil y’a peut-être 700 personnes dans le monde qui peuvent contribuer à la recherche de pointe en IA, peut-être 70 000 personnes qui peuvent comprendre leur travail et participer à sa commercialisation, et 7 milliards de personnes qui seront touchées. Si une part très importante de ces personnes se trouvent aux Etats-Unis, et que les politiciens ne prennent toujours pas la peine de proposer des politiques pour encadrer le développement de l’IA, alors il y’a peu d’espoir qu’ils le fassent jusqu’à ce que quelque chose de grave arrive, et qu’ils finissent enfin par réagirent.
En Chine, le gouvernement a une approche différente, mais tout aussi nationaliste :lLa population vit dans un état de quasi-surveillance totale. Les algorithmes déterminent qui peut utiliser les transports en commun ou acheter des biens de consommation. Des caméras de reconnaissance faciales sont utilisées dans toutes les villes du pays, notamment par des policiers portant des lunettes spéciales. La Chine, comme les Etats-Unis, ne montrent aucun intérêt apparent pour le développement de politiques internationales pour l’IA. Contrairement aux Etats-Unis, le gouvernement est cependant très impliqué dans le développement de l’IA et travaille avec les plus grandes entreprises du secteur afin de développer des stratégies locales et mondiales de recherche et développement en « machine Learning ». La Chine consacre des milliards au développement de l’IA et, parmi de nombreuses autres initiatives internes, encourage les entreprises à contribuer à une bibliothèque d’Etat de données. Pour, Andrew Moore, doyen de la faculté de sciences informatiques de Carnegie, la moitié des articles soumis aux grandes conférences sur l’IA viennent de Chine. Il y a dix ans, ce n’était que 5%. Selon Hogarth, l’an dernier à l’échelle mondiale, la Chine était responsable de 48% du financement de l’ensemble des start-up spécialisées dans IA.
Hogarth prédit que le nationalisme de l’IA va créer une instabilité mondiale. Selon lui, « La gestion politique de l’IA deviendra le domaine le plus important de la politique gouvernementale ». Son inquiétude est de voir les Etats-Unis et la Chine former un duopole qui forcera les autres pays, ou à choisir leur camp, ou à se regrouper dans une sorte de groupe de perdants de la compétition technologique. Pour les Etats-Unis et la Chine, le nationalisme de l’IA semble porter ses fruits à court terme. Mais il serait irresponsable de supposer qu’il n’y aura pas de conséquences à développer une IA de pointe sans élaborer des politiques et directives spécifiques encadrant cette technologie.