Les robots nouvelle génération et les systèmes d’intelligence artificielle (IA) ne remplacent pas encore réellement la main-d’œuvre humaine. Pourtant, Bill Gates affirme le contraire et appelle à se prémunir de façon préventive de ces innovations. Son arme ? Taxer les technologies pour anticiper des pertes d’emplois significatives dues à la technologie. Oui l’IA a un potentiel énorme. Et taxer cette source inépuisable voir ultime d’innovation est non seulement réactionnaire mais aussi antithétique avec le progrès. Cela ralentirait le développement de technologies et de systèmes susceptibles d’améliorer la vie quotidienne. Cette arme, cette solution est-elle donc souhaitable ?
Imaginez où nous en serions aujourd’hui si les décideurs politiques, craignant l’inconnu, avaient taxés fiévreusement les logiciels informatique pour protéger l’industrie de la machine à écrire, ou les appareils photos numériques pour préserver les emplois des techniciens intervenant en salle noire. Taxer les opérateurs téléphoniques aurait pu par exemple empêcher l’émergence des smartphones, une invention majeure pour horizontaliser le monde, le rendre plus équitable. Les taxes sur la technologie sont plus susceptibles de provoquer la délocalisation de la production à l’étranger que de créer des emplois nationaux. Les appels à taxer l’IA sont d’autant plus étonnants qu’ils induisent le renoncement à faire en sorte que les employés travaillent avec des systèmes d’AI. L’approche à adopter à court terme consiste à former les travailleurs pour s’assurer qu’ils aient les bonnes compétences, et non pas à taxer les robots.
Aux Etats-Unis par exemple, il y a plus d’un demi-million d’emplois ouverts dits « technologiques »selon le ministère du travail. Ce qui veut dire que les écoles et universités ne forment pas suffisamment de diplômés disposant des compétences appropriées pour combler les besoins. Pourtant, dans de nombreux cas, il ne s’agit pas d’emplois nécessitant un diplôme d’études de 4 ans post-bac, mais plutôt des compétences pouvant être apprises au travers d’une formation professionnelle construire sur des modèles novateurs d’éducation publique comme : P-TECH, des « camps » de programmation, des programmes de certification professionnelle… Ces programmes peuvent former aussi bien les étudiants que les professionnels en milieu de carrière. Le pays a donc besoin d’augmenter massivement le nombre et la portée des ces programmes pour que les étudiants et travailleurs puissent apprendre de nouvelles compétences.
L’éducation devrait être davantage orientée autour des opportunités d’emplois pour que davantage de personnes, en particulier les femmes et les minorités sous-représentées dans le domaine des hautes technologies, acquiert des compétences à la demande. Les gouvernements devraient lancer des programmes visant à cultiver le terreau de la fibre scientifique chez les élèves de primaire. Les programmes d’éducation des lycéens devraient être réorientés autour des compétences requises sur le marché du travail. Enfin, niveau universitaire, un programme national pourrait faciliter aux étudiants l’accès à des stages significatifs en rapport avec leur carrière en devenir plutôt que des emplois dans des cafétérias ou des bibliothèques scolaires.
Le gouvernement devrait créer et financer un programme digne du 21ème siècle pour recruter, former ou « recycler » les travailleurs et ainsi combler les lacunes en compétences clés aussi bien dans le public que dans le privé. Mettre en place des subventions globales pour financer ces programmes au niveau de l’État augmenterait leur efficacité et leur impact.
L’Etat devrait également adapter les normes et les certifications à ces nouvelles compétences, comme cela a historiquement été fait pour d’autres compétences techniques (ex : techniciens automobiles, soudeurs…). L’officialisation de ces diplômes nationaux et des programmes d’accréditation aiderait les employeurs à identifier que les candidats sont suffisamment qualifiés, ce qui profiterait aux travailleurs et aux employeurs.
En prenant ces mesures, nous pourrions créer une solide infrastructure de formation professionnelle qui pourrait répondre à la pénurie immédiate de talents dans le domaine des hautes technologies. Une fois cette architecture en place, elle pourrait évoluer au fil de l’eau en adéquation avec de nouveaux types de compétences de plus en plus recherchées à mesure que le déploiement de systèmes d’IA prendra de l’ampleur. A l’ère de l’IA, les travailleurs ont besoin de compétences qui les singularisent vis-à-vis de l’IA. Développer cette infrastructure de formation aux compétences du 21e siècle exige une action de politique publique fondée sur la confiance, non pas sur des taxes dictées par la peur. Du moins pour l’instant…