Les angoisses de l’IA

Si les experts se querellent sur le nombre d’emplois que les progrès technologiques mettent en risque, le consensus général est que beaucoup sont concernés. Qu’est-ce que cela signifie pour autant ? Les révolutions technologiques détruisent toujours les emplois. Mais les révolutions passées ont créé davantage d’emplois qu’elles n’en ont supprimé. Sommes-nous cette fois témoins d’une robopocalypse lente, dans laquelle l’automatisation moderne élimine plus d’emplois qu’elle n’en génère ?

Plusieurs raisons économiques pourraient nous faire penser que ça n’est pas le cas. Si nous entrions dans une période de chômage technologique, la productivité globale augmenterait à mesure que les emplois sont de plus en plus difficiles à trouver. On pourrait aussi analyser la relation entre la productivité et le travail d’une autre façon : le véritable chômage technologique révélerait un écart grandissant entre la quantité que nous produisons (le produit intérieur brut) et le nombre d’heures que nous travaillons tous chaque année. Enfin , la meilleure preuve en défaveur d’un potentiel chômage technologique est peut-être une observation empirique : si nous étions confrontés à une forte croissance de la productivité sans qu’il y ait une demande correspondante de travail supplémentaire, nous le saurions, car nous serions tous beaucoup plus riches collectivement. Il y aurait d’innombrables signes d’abondance, comme une chute des prix, un gonflement de l’épargne privée, ainsi qu’un excédent public.

L’automation devrait être accueillie positivement, et non pas constituer une crainte, car elle pourrait incarner la plus grande libération de l’histoire. Imaginons de nouvelles formes d’emplois et de récompenses. Nous pourrions nous consacrer à des projets entreprenariaux, à notre famille, au sport, à la composition de séquences sonores, à la création de chaises, à l’élévation de communautés ; ou ne rien faire du tout, soutenus en grande partie par la richesse créée par l’IA et les robots. Si des intelligences générales artificielles (des machines capables d’accomplir n’importe quelle tâche accompli par un être humain parce qu’elles pourraient généraliser, raisonner et réagir au monde de façon abstraite) devenaient réalité, et que la conscience était une propriété émergente de toute intelligence générale suffisamment complexe, nous pourrions choisir de construire 5 types différents de robots :

  1. Des agents sans aucune conscience
  2. Conscients à un petit degré, comme un chien, avec des sentiments et appétits changeant perpétuellement, capables de ressentir de la douleur lorsqu’il est blessé ou du plaisir à l’accomplissement d’une tâche
  3. Conscience « ambigüe », capables de réussir un test de Turing mais pas en mesure de démontrer qu’ils ne sont pas juste des zombies philosophiques
  4. Pleinement conscients et heureux, conçus de telle façon qu’ils consentent volontiers à leur servitude
  5. Pleinement conscients mais aspirant au droit de choisir, et par conséquent tourmentés

Notre intuition morale nous suggère que seul le premier type de « travailleur forcé » est acceptable. En revanche le second semble trop utile pour résister à la tentation, et par prolongement le troisième et le quatrième trop faciles à justifier. Aristote, dans le premier livre de son Politique, se demandait si la société de son temps n’avait pas dû forcer les travailleurs. Il répondit rapidement qu’ils étaient une nécessité pour le seul mode de vie qui valait la peine pour les anciens Grecs. Curieusement, dans une sorte de fiction proto-scientifique, il convenait que s’il y avait des outils inconscients et autonomes capables d’accomplir des tâches, soit à notre demande, soit parce qu’il en ressentait le besoin, il n’ y aurait pas besoin de travailleurs forcés. De telles machines n’existaient pas à son époque. Mais pour nous, elles le seront.

La suite ici (Jason Pontin)

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Fondateur paris-singularity.fr👁️‍🗨️Entrepreneur social trackant les deep techs

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